Le Stade Ernest-Wallon accueillait ce weekend une somptueuse demi-finale d’Elite 1 Féminine. Auréolée de sa première place de la poule 2 devant le Stade Toulousain, l’ASM Romagnat Rugby Féminin se préparait néanmoins à une rude confrontation face au Montpellier Hérault Rugby, certes deuxième de la poule 1 derrière Blagnac, mais tenant du titre et avec un statut de favori. De l’émotion et du grand spectacle en perspective donc… (Par Marco Matabiau/ Photos Alain Montségur et Christophe Fabries)
La nervosité était palpable en début de rencontre au sein des deux formations. Elle se matérialisait par des imprécisions dans le jeu au pied, celle de la Montpelliéraine Amédée succédant à celle de l’Auvergnate Trémoulière. Tout rentrait peu à peu dans l’ordre et le MHR établissait sa domination en mêlée fermée, la gauchère Ait Lahbib prenant le dessus sur sa vis-à-vis Ferrari. Les Héraultaises récoltaient une pénalité quand la talonneur Sochat était reprise au collet par cette même Ferrari. Amédée, des 30 mètres en face, déflorait le tableau d’affichage (3 – 0, 10è). Romagnat repartait de l’avant, enchainait les temps de jeu mais se faisait contrer par Peyronnet qui, après une belle interception, partait le long de la ligne de touche. Reprise, elle libérait néanmoins, l’arrière Boujard poursuivait au pied, mais trompée par le rebond, elle ne pouvait contrôler le cuir alors que l’essai semblait imparable (13è).
Les Jaune et Bleu ne désarmaient pas et se voyaient accorder une pénalité pour un hors-jeu de la ligne de défense adverse : des 25 mètres face aux barres, Trémoulière ramenait les siennes à égalité (3-3, 17è). Les approximations dans les deux camps ne permettaient pas au jeu de prendre de l’ampleur, ce qui n’empêchait pas Banet de percer plein champ sur plus de 40 mètres. Elle se coupait toutefois du soutien et se faisait gratter le ballon au sol (25è). La bonne période montpelliéraine se poursuivait, mais Ménager, replacée au centre, vendangeait un deux contre un côté droit (26è), et Amédée ratait une pénalité pourtant bien placée (28è). Combebias récupérait un ballon au sol et Ménager, encore elle, lançait le contre, mais son coup de pied rasant connaissait un rebond capricieux, qui était récupéré par l’ouvreuse romagnatoise Coudert, bien revenue en couverture (30è). A cinq minutes de la pause, Montpellier était tout de même récompensé quand Amédée, des 35 mètres, réussissait une pénalité (6-3).
Les Auvergnates allaient alors nous offrir dix minutes de folie : la véloce Guermit s’échappait depuis ses 22, déposant au passage Ménager et N’Diaye, puis, après une belle séquence, l’Héraultaise Tchouta se montrait coupable d’une faute au sol. La sanction ne se faisait pas attendre: Trémoulière remettait les deux équipes à égalité (6 – 6, 40è + 2). On pensait se diriger tranquillement vers la pause citrons, mais c’était mal connaître le caractère volcanique des Jaune et Bleu: pourtant prise en tenaille, Tounesi, d’un superbe offload, mettait dans l’intervalle sa compatriote italienne Sgorbini. Cette dernière perçait, était reprise, mais servait son ailière Perraudin qui s’en allait inscrire l’essai en coin. En position pourtant délicate, Trémoulière transformait (13-6, 40è + 5). Madame Domenjo mettait fin au premier acte quelques secondes plus tard.
Romagnat prend les devants avant un final haletant
Touché mais pas coulé, Montpellier reprenait le jeu avec de bonnes intentions et revenait à quatre longueurs quand Amédée réussissait sa troisième pénalité de la rencontre (13-9, 45è). Romagnat faisait rapidement entrer du sang neuf. Et quel sans neuf ! Sur une pénal touche obtenue après une belle séquence lors de laquelle Coudert et Pignot s’étaient illustrées, le pack auvergnat prenait les affaires en mains et propulsait la talonneur internationale Thomas, entrée en jeu quelques instants plus tôt en compagnie de Touré, derrière la ligne. Trémoulière ne flanchait pas et rajoutait les deux points de la transformation (20 – 9, 51è).
C’était désormais au staff montpelliérain d’opérer quelques changements, Combebias et Tchouta cédant leur place à Roue et Chazalette. Sans effet immédiat. Dominée en début de rencontre, la mêlée auvergnate faisait désormais des misères à son homologue et récoltait une pénalité. Trémoulière la tentait des 40, mais le ballon passait juste sous la barre. Les trois-quarts héraultaises changeaient aussi de visage quand Pegot remplaçait Amédée, Peyronnet passant à l’ouverture. Le MHR reprenait peu à peu le contrôle des opérations mais la défense des « jaunardes » ne lâchait rien, à l’image d’une Guermit intraitable dans son face-à-face avec l’internationale Banet.
Montpellier allait tout de même trouver la faille sur une « 89 » négociée à la perfection entre N’Diaye et Lenoir, cette dernière allongeant pour libérer Boujard en bout de ligne. La transformation, pourtant difficile, était convertie par Peyronnet (20 – 16, 73è). La pression restait de mise, notamment quand l’intenable Lenoir jouait rapidement un coup franc, s’échappait côté gauche et poursuivait au pied par-dessus Trémoulière, mais Ribeyrolles, entrée quelques instants auparavant, assurait la couverture et le sauvetage (76è). L’ASM Romagnat ne se contentait pas de défendre, proposant une minutieuse séquence de conservation, balayant toutes les zones du terrain. Au terme de celle-ci, Boujard écopait d’un carton jaune pour un plaquage (involontaire) jugé haut (80è+2). Même à 14, Montpellier ne s’avouait pas vaincu et lançait ses dernières offensives, mais deux ballons grattés au sol dans les derniers instants scellaient la victoire auvergnate. L’ASM Romagnat Rugby Féminin tenait sa finale, la première de son histoire !
Comme bien souvent dans pareil cas de figure, le match s’est joué sur une poignée de phases clé. Alors qu’elles en avaient l’opportunité, les Montpelliéraines n’ont pas su prendre les devants au score. Les filles de Patrick Raffy et Olivier Clessienne n’auront pas saisi les occasions lorsqu’elles se présentaient, permettant à leurs adversaires du jour de rester dans la partie et de croire en l’exploit. Imprécisions, ballons tombés, mauvais choix: rien ne leur aura été épargné. On retiendra tout de même que, pour son dernier match en carrière (c’était aussi le cas de la demi de mêlée Troncy), la talonneur Mignot aura effectué une bonne entrée en jeu et secoué ses troupes. Ménager et Banet auront eu quelques possibiltés de conclure mais n’auront pas su les mettre à profit. Après trois titres consécutifs (et six en sept ans), la saison 2020/2021 des Montpelliéraines s’arrête là.
Pour sa part, l’ASM Romagnat vivra donc sa première finale d’Elite 1 Féminine. Pas du tout impressionnées, que ce soit par l’enjeu ou la qualité de l’adversaire, les joueuses de Fabrice Ribeyrolles et Vincent Fargeas ont parfaitement su gérer l’événement. Appliquant à la lettre le plan de jeu, elles ont tout d’abord fait le dos rond pour faire face avant de réaliser vingt minutes déterminantes au cours desquelles elles auront inscrit 17 points. A titre individuel, la deuxième ligne Tounesi a fait preuve d’un abattage impressionnant et d’un engagement physique sans faille, la talonneur Lazarko a été très en vue et Trémoulière a rassuré, notamment en usant de son jeu au pied longue distance pour soulager ses troupes et renvoyer les Montpelliéraines dans leur camp. Reste désormais une marche à franchir. Et pas des moindres: dans une finale inédite, les Auvergnates affronteront le Blagnac RF, vainqueur du Stade Toulousain (12-8) grâce à un essai dans les derniers instants de l’autre demi-finale. Le match, qui mettra aux prises les deux numéros 1 des poules, se tiendra au Stade Ernest-Argelès, antre des Blagnacaises. Un autre exploit à aller chercher pour les « jaunardes ». Mais qui sait ? Impossible n’est pas arverne…
Réactions
Fabrice Ribeyrolles (Entraîneur, ASM Romagnat): « Je ne pourrais pas être plus heureux ou fier de mon groupe. Cela fait un moment qu’on parle de solidarité, d’entraide dans ce groupe. On a un groupe de qualités sans stars. On a vraiment fait front. On a fait preuve d’un courage terrible. Dans les derniers instants, c’était chaud, on a joué à 14, à 13, on avait des blessées, mais tout le monde s’est accroché. On a renversé un Everest aujourd’hui. C’est extraordinaire. Maintenant, il ne faut pas s’enflammer. On va jouer Blagnac, c’est génial. Les deux petits qui montent. J’imagine que ça va être génial (…) On a joué, pas assez à mon goût, mais elles nous ont bien contrarié. A 20-9, on a un peu relâché, elles sont revenues à 20-16, et on s’est accrochés, à l’image de ce qu’on a fait cette saison ».
Patrick Raffy (Entraîneur, Montpellier HR): « On a été battus par plus fort. Romagnat mérite absolument sa victoire. En première période, on a des occasions qu’on ne convertit pas. Ce n’est pas un problème de niveau, mais plutôt un problème d’expérience. On a de l’expérience sur le papier, mais pas de ces matchs couperet. Dès que c’est tendu, il faut concrétiser sinon on laisse l’équipe adverse dans le match. On prend un essai en fin de première mi-temps. Du coup on est derrière et on court après le score. Puis un essai sur ballon porté. On se met ensuite à jouer mais c’est trop tard. Je tiens à nouveau à les féliciter parce que sur les 15 dernières minutes, on met une grosse pression et elles ne lâchent pas, elles ne s’affolent pas. Elles essaient de conserver et ne se débarrassent pas du ballon. »
Rose Bernadou (Pilier, Montpellier): « Forcément très déçue d’autant plus que c’était la fin de carrière de très grandes joueuses et qu’on voulait les amener avec nous jusqu’au bout. Il faut qu’on relève la tête, il y aura d’autres titres à aller chercher. Il ne faut pas rester là-dessus (…). Bien sûr que le manque de compétition sur ces derniers mois a joué, mais il ne faut pas se chercher d’excuses. Une saison certes difficile, mais ce n’est pas la source de tous nos problèmes ».
Sara Tounesi (Deuxième ligne, Romagnat): « Un immense exploit. C’est formidable. On a mis beaucoup d’intensité dans ce match. On n’a jamais baissé la tête. On n’a pas regardé le nom de la fille qu’on avait en face. On a juste considéré qu’il s’agissait d’adversaires. On a joué, on a pris du plaisir. On est un groupe uni, c’est ce qui fait notre force. Une fille fait une faute, on va récupérer son erreur. C’est ce qui nous a permis de gagner ce match aujourd’hui ».
Safi N’Diaye (Troisième ligne et capitaine, Montpellier): « On savait qu’on allait tomber sur une très belle équipe de Romagnat, qu’elles allaient tout donner. On a été mauvaises en terme de stratégie, on a pris beaucoup de pénalités, on a fait beaucoup de fautes de mains. Des choses qui ne pardonnent pas en demi-finale. On a été trop loin au score. Quand on avait le ballon en début de match, on produisait quand même du jeu. Dommage (…) On a alterné temps forts et faibles. Pendant nos temps forts, on n’a pas été efficaces et on a pris des points dans nos temps faibles. C’est aussi simple que cela ».
Feuille de match
A Toulouse (Stade Ernest-Wallon): ASM Romagnat Rugby Féminin bat Montpellier Hérault Rugby 20 à 16 (mi-temps: 13 à 6).
Arbitrage: Mme Doriane Domenjo assistée de Mmes Méline Roelandt et Séverine Desriaux.
Cartons jaunes: à Montpellier, Boujard (80è + 2).
Pour l’ASM Romagnat: 2 essais Perraudin (40è + 5), Thomas (51è), 2 pénalités (17è, 40è + 2) et 2 transformations Trémoulière.
Pour le Montpellier HR: 1 essai Boujard (73è), 3 pénalités (10è, 35è, 45è) Amédée, 1 transformation Peyronnet.
Composition ASM Romagnat: Trémoulière; Perraudin, Pignot, Gincourt, Guermit; Coudert (o), Gaucher (m); Gabriagues (cap), Sgorbini, Chèze; Tounesi, Shelford; Ferrari, Lazarko, Prat.
Sur le banc: Thomas, Roux, Pellegris, Vidal, Touré, Menanteau, Ribeyrolles, Guerrith.
Entraîneurs: Fabrice Ribeyrolles et Vincent Fargeas.
Composition Montpellier: Boujard; Banet, Ménager, Peyronnet, Baccichet; Amédée (o), Troncy (m); N’Diaye (cap), Gros, Touye; Tchouta, Combebias; Bernadou, Sochat, Ait Lahbib.
Sur le banc: Mignot, Temimi, Roue, Chazalette, Pegot, Lenoir, Bérenger, Kehiha.
Entraîneurs: Olivier Clessienne et Patrick Raffy.