Ce n’était pas la réunion de la dernière chance, puisque le sort de Blagnac était déjà scellé. Un peu plus d’une heure après sa prise de parole, le président Luc Vignolles n’a fait que confirmer ce que nous annoncions dès hier. Blagnac va bel et bien déposer le bilan. Un immense gâchis. Mathieu Vachon, capitaine du Blagnac Rugby a accepté de répondre à nos questions…
Les espoirs du club avaient été prévenus la veille, le groupe séniors l’a été hier. « L’abattement général a succédé à la sidération » nous confiait un membre du club, qui poursuit : « On avait entendu des rumeurs depuis quelques temps, mais imaginer une telle situation, non, car les chiffres avancés sont énormes ! ». On parle en effet d’un trou d’un million d’euros. Colossal, surtout sur un budget prévisionnel fixé à 3 millions.
Mais comment en est-on arrivé là ? Les réponses qui nous parviennent font état d’un premier déficit au moment de la repise du club en juillet dernier (voir notre article d’hier), mais comblé par la nouvelle équipe dirigeante. Cette dernière aurait ensuite décidé d’augmenter le budget global pour viser la Pro D2 à court terme. Le tout, après avoir augmenté de manière substantielle les salaires des joueurs. « Les dépenses de réaménagement des vestiaires, de la terrasse à côté de la tribune principale laissaient à penser que le club se structurait de plus en plus » nous glisse un autre membre du club.
Or, certains partenaires ne se seraient pas engagés, ou pas à hauteur de ce qui était escompté. La situation financière est donc devenue intenable, le trou comblé en juillet, s’est alors transformé en gouffre quelques mois plus tard. Les différents témoignages recueillis font état d’une réunion durant laquelle le président Vignolles visiblement résigné, ne s’est que très peu exprimé. A l’inverse, Matthieu Vachon, capitaine emblématique des Caouecs, a pris la parole, et de fort belle manière. Il se confie également, et nous l’en remercions, pour RugbyAmateur, à la fin de cet article.
60 emplois vont disparaître
Le club va se mettre en cessation de paiements, précédant la liquidation judiciaire. Les conséquences ? Les joueurs, qui pour la plupart, sont pluriactifs, n’auraient pas été payés en janvier. C’est un moindre mal, mais les « salaires » perçus par leur activité rugbystique s’évanouissent en une soirée. Sportivement, ils se retrouvent sans club à compter d’aujourd’hui. Ils peuvent rebondir dans d’autres clubs de Nationale, Nationale 2, voire de Fédérale 1, qui peuvent dans ces conditions spécifiques, recruter quatre joueurs supplémentaires. On peut imaginer que les premières et deuxièmes lignes auront plus de chance d’être recrutés rapidement. Pour les autres, il faudra peut être attendre le début de la prochaine saison.
La SAS va donc disparaître, tout comme 60 emplois, entre les joueurs, les dirigeants et autres salariés administratifs. Mais cette liquidation, qui n’affecte pas la partie féminine (indépendante), ni la section jeunes, permettra de repartir (au mieux) en fédérale 1, mais probablement en fédérale 2, ce qui vient d’être annoncé dans le communiqué ci-dessous :
Le demi-finaliste de la dernière saison de Nationale, actuellement 9ème, disparait donc des radars, et ne se déplacera pas à Carcassonne, vaincu à l’aller, pour la prochaine journée de championnat. C’est avant tout la tristesse qui prédomine, quand on pense à ce club centenaire, qui a sorti des grands joueurs comme Christophe Deylaud, Maxime Médard ou plus récemment Dimitri Delibes, pour les plus connus.
Sans oublier tous les autres, qui ont fait le bonheur du 3ème club haut-garonnais, derrière le Stade Toulousain et Colomiers. A commencer par Mathieu Vachon, pur produit caouec passé par toutes les équipes, avant de devenir le capitaine de l’équipe fanion. Ce dernier nous a accordé un entretien exclusif.
Matthieu Vachon, quand est-ce que vous avez appris les difficultés financières du club ?
M.V. : Les premiers échos remontent à décembre. Je travaille pour une société partenaire du club, j’entendais des rumeurs, qui enflaient, sur des difficultés. Mais j’étais très loin d’imaginer le cataclysme de ces derniers jours. La première fois que j’ai entendu parler de dépôt de bilan, c’est courant janvier.
Quelle a été votre réaction ?
Je n’y croyais pas. On se dit que l’on va forcément trouver une solution. Les difficultés financières à Blagnac, on vit avec depuis longtemps, il n’ y a jamais eu un mécène ou d’investisseurs pour mettre le club à l’abri. Ma réaction ? Je crois que j’étais dans le déni au début, on ne veut pas y croire, un peu comme pour une rupture en couple en fait. J’étais dégouté, la tristesse arrive rapidement aussi. J’ai repassé tout mon parcours dans ce club, mon club. J’y ai tout donné, 12 ans de bons et loyaux services, 7 ans de capitanat, qui s’évaporent en un claquement de doigts.
On vous sent remonté aussi…
Comment ne pas l’être ? Oui, j’ai aussi de la colère en moi. Il y a des questions qui se posent : comment en est-on arrivé là, comment est-ce possible, après tout ce que nous avons construit sportivement… les réponses devront être claires. En ce sens, le dépôt de bilan va forcément nous apporter ces réponses…
On a évoqué une augmentation de budget, une hausse des salaires…
Vous savez, notre groupe est composé de 40 joueurs pour la Nationale. Le salaire médian se situe entre 1000 et 1200€, on nous a augmenté de 100 ou 200€ par mois après la grosse saison dernière. Ce n’est certainement pas là qu’il faut chercher des explications je crois. En revanche, des partenaires n’auraient pas tenu leurs promesses, et l’objectif des 3 millions annoncé. Mais je ne tiens pas à m’étendre sur cette partie, que je ne maîtrise pas.
Vous avez pris la parole pendant la réunion de ce mercredi. Qu’avez-vous dit ?
J’ai fait part de mes sentiments, j’ai dit que nous les joueurs, avec le staff, nous pouvions être fiers de ce que nous avons accompli sur le terrain. Nous avons tous fait des sacrifices, aux entraînements, en match aussi, je me souviens d’un déplacement à Bourg-en-Bresse en voiture… (silence) Et finalement, il y a une génération, que l’on peut qualifier de dorée, qui est sacrifiée. Malheureusement, le sportif est allé plus vite que le financier…
Que va-t-il se passer désormais, comment voyez-vous la suite ?
Déjà, je vais digérer cette nouvelle, car c’est vraiment un choc. Provale était présent à la réunion, a répondu à nos questions sur l’après dépôt de bilan, la gestion des salaires, etc… D’un point de vue sportif, à titre personnel, je vais réfléchir. J’ai 32 ans, j’étais motivé pour repartir une saison en Nationale. Là, je ne sais pas trop ce que je vais faire.
Si Blagnac repartait en Fédérale 1 ou 2, vous pourriez envisager d’être de l’aventure ?
Pourquoi pas, mais tout dépendra des personnes qui seront à la barre du bateau. Il y en a déjà qui semblent vouloir faire repartir le club sur de nouvelles bases. On va y réfléchir à tête reposée. Mais il faut vraiment digérer cette immense déception…