Depuis ce samedi noir qui restera dans toutes les mémoires des amoureux du ballon ovale, chacun y va de son point de vue pour expliquer le naufrage de l’équipe de France face aux Blacks. Nous n’avons pas l’habitude de lorgner sur le monde pro et encore moins de donner notre avis dessus. N’empêche que nous nous sentons concernés quand on évoque le rugby amateur, à tort et à travers. Ce rugby d’en bas que l’on prend de haut parfois, et que l’on veut opposer aux pros.
Les clubs de Top 14 et de Pro D2 sont les pourvoyeurs de l’équipe nationale, eux-mêmes alimentés par les clubs amateurs, formateurs d’une jeunesse qui ne demande qu’à apprendre. C’est un fait. Encore faudrait-il que nos meilleurs jeunes puissent avoir une chance de jouer en pro. Et quand ils y parviennent, avoir du temps de jeu, avoir la confiance des entraîneurs. Nos jeunes talents sont barrés par d’autres, plus confirmés, puisque soi-disant, meilleurs, et donc plus rentables dans cette course aux titres, mais aussi à la rentabilité. Contrairement aux équipes de l’hémispère sud, la vitrine du rugby français n’est pas son équipe nationale, mais son championnat. C’est culturel que voulez-vous. Mais ce Top 14, qui ne cesse d’entretenir une surenchère de talents venus des quatre coins du globe, est devenu la compétition la plus rémunératrice du rugby mondial. A grands renforts de stars qui ne démontrent pas toujours qu’elles sont les meilleures. Les maîtres à jouer sont australiens, néo zélandais. Les guerriers sont argentins, géorgiens, sud africains.
Certains clichés ont la peau et la dent dure. Il est vrai que l’on a vu hier un formidable fighting spirit des…écossais ! Un pays qui compte 10 fois moins de licenciés qu’en France. Les sudistes ne font pas de la mêlée un point de rencontre majeur, et pourtant, ne renversent-ils pas les nations qui en ont fait leur priorité ? Les japonais n’ont-ils pas démontré qu’avec de l’envie, des combinaisons travaillées et avec des joueurs inconnus, on pouvait renverser des montagnes ? Ce rugby amateur que l’on prend de haut parfois, n’est-il pas une pépinière extraordinaire suffisante pour déceler un talent avant l’heure. Qu’ils soient piliers, talonneurs ou ouvreurs, ces postes qui nous feraient cruellement défaut. Notre pays a suffisamment de bons éducateurs pour les faire progresser non ? On pourra alors reparler de French flair (les clichés, encore et toujours) et accessoirement d’un plan de jeu efficace, avec plus de trois temps de jeu sans perdre le ballon. La seule véritable responsabilité d’un sélectionneur finalement.
On nous a vendu le JIFF (Joueur Issu des Filières de Formation) comme une solution radicale pour enrayer l’invasion étrangère. Ce jeune de nos campagnes, âgé de 16 à 21 ans, licencié au moins cinq à la FFR, qui doit être coché obligatoirement sur une feuille de match en pro. Mais le pourcentage de JIFF est calculé sur le groupe pro, pas sur les 23 de la feuille de match du samedi, ce qui permet de contourner la règle. Et puis, est-il écrit quelque part que ce fameux jeune doit être de Rieumes, Saint-Sulpice, Lombez, Pamiers ou…d’un autre pays ? Non. Alors il faut que la FFR, qui a déjà l’élection de son futur président, programmée pour l’an prochain, planche sérieusement sur de nouvelles règles. Juste histoire de donner une chance à nos jeunes, nombreux, pétris de talent, qui ne demandent qu’à jouer. La fédérale 1 est présentée comme une antichambre des pros. Oui, mais les meilleures équipes de ce niveau, en course pour une montée en Pro D2, font appel, elles-aussi, à des étrangers. Pas de procès de mauvaise intention ici, juste dire les choses, vraiment. Limitons le nombre d’étrangers, les clubs de l’hémisphère sud le font bien après tout.
Neuf essais pour tout remettre à plat…
Un club pro est une entreprise et doit générer de l’argent pour vivre et faire vivre ses salariés. Logique. Derrière plusieurs gros clubs, se cachent un mécène de poids, des sponsors généreux. Admettons. Mais le jour où ils ne sont plus là ? La masse salariale pourrait être moins lourde avec des joueurs formés en interne. Des jeunes à qui l’on donne vraiment une chance. Quelques clubs le font, par choix parfois, par contrainte désormais, modèle économique oblige. L’explosion des salaires de ces dix dernières années a un effet pervers avec des répercussions sans fins, jusqu’en fédérale, voire en dessous. Pour un sport rentré dans l’ère professionnelle depuis exactement 20 ans, seulement. Il est temps d’arrêter la dérive. De revenir aux fondamentaux, « comme on dit ».
Souhaitons-nous un futur président de fédération d’expérience, n’ayant pas peur de vouloir changer en profondeur le système, du monde pro au monde amateur. Souhaitons-nous que les dirigeants actuels aient le courage de se remettre en question et se mettre autour d’une table, ou d’un bureau plutôt, sait-on jamais. Le nombre de licenciés a baissé, rappelons-le aussi. Souhaitons à Guy Novès bonne chance, d’avoir autant les mains libres avec les bleus qu’il ne les a eues en club. Le débat est ouvert, cette grande claque, ces neuf essais encaissés, devraient permettre de repartir sur de nouvelles bases, enfin ! La finale de 2011 a fait perdre du temps sans doute, tellement l’arbre était grand pour cacher la forêt. Les exploits passés également sans doute. Le rugby en France est une affaire de traditions, de passions, soyons assez modernes pour en changer quelques règles et favoriser notre réservoir. Les résultats de l’équipe de France en dépendent. Le rugby français dans sa globalité aussi. Le moment ici de féliciter nos arbitres qui démontrent que l’on peut être bons en France.
Comme nos tricolores hier après-midi, le sac est vidé, point de jugement, juste un billet d’humeur donc…Ah et puis dernière chose, si possible, pourrions-nous arrêter de jouer en rouge s’il vous plaît, ce serait sympa. Allez les bleus ! Et vive le rugby amateur !