Dans un communiqué adressé hier soir à tous les acteurs du rugby professionnel et amateur, Bernard Laporte a tenu à réagir, suite au décès de Louis Fajfrowski il y a trois semaines, et à toutes les conséquences qui en découlent. Le président de la Fédération Française de Rugby annonce donc des décisions fermes (interdiction de plaquer jusqu’à 12 ans ou la confirmation que le plaquage ne sera autorisé que sous la ligne des tétons comme ce fut le cas lors de la Coupe du Monde des moins de 20 ans). La prévention et la formation sont aussi au coeur des engagements prônés par Bernard Laporte. Dans la lignée de notre billet d’humeur d’avant hier, voici, comme une sorte de réponse générale, le texte en entier, avec en préambule, un hommage appuyé pour son prédécesseur récemment disparu, Pierre Camou…
« Chères dirigeantes et dirigeants,
Notre Sport a été endeuillé ces dernières semaines. Tout d’abord, nous avons eu la tristesse d’apprendre la disparition de Pierre CAMOU, mon prédécesseur. De multiples hommages lui ont été légitimement rendus.
Il n’est de secret pour personne que nous n’avions pas les mêmes idées politiques mais il faut savoir séparer ce qui est de l’ordre du politique et ce qui est de l’ordre du personnel. Pierre CAMOU était un grand homme qui a consacré une grande partie de sa vie au développement de notre sport. A ce titre il mérite que l’ensemble du Rugby français lui rende un hommage à la hauteur de son dévouement. J’ai donc décidé, au nom de la fédération, que toutes les rencontres inaugurales de nos championnats amateurs seront précédées d’une minute de silence en son hommage.
Par ailleurs, je vais proposer au prochain Comité Directeur de la FFR de dénommer le terrain d’honneur du CNR de Marcoussis, le Stade Pierre CAMOU en son honneur. Ainsi sa mémoire sera définitivement ancrée au CNR. Ce n’est que justice, tant Pierre CAMOU fut un grand serviteur du Rugby et plus particulièrement du CNR où il installa définitivement notre fédération.
Le décès de Louis FajFrowski et ses conséquences
Par ailleurs toutes les rencontres des premières journées de TOP14 et de PROD2 sont précédées d’une minute d’applaudissement pour honorer la mémoire de notre ancien Président ainsi que celle de Louis FAJFROWSKI, jeune joueur aurillacois décédé dans les vestiaires lors d’un match amical, second drame nous endeuillant.
Je m’adresse à vous en tant que Président de la Fédération Française de Rugby mais je suis aussi un mari, un père et le décès de Louis me bouleverse d’abord en tant que tel.
Mais cette tragédie nous interpelle tous, dirigeantes et dirigeants de Rugby. Et ce d ‘autant que certains commentateurs se sont exprimés très rapidement, trop rapidement, diabolisant notre sport. Rappelons qu’à ce jour, les causes du décès du jeune Louis ne sont toujours pas connues. Toutes les hypothèses avancées par les uns ou par les autres et toutes les conclusions qui en découlent semblent bien déplacées.
Cependant, cela ne doit pas nous empêcher de renforcer notre vigilance et de porter un regard bienveillant mais lucide sur notre Rugby.
Notre Rugby rassemble toutes les semaines sur tous les terrains de France 272.000 joueurs et quelques 54.000 encadrants (éducateurs, entraineurs, arbitres et dirigeants). Il se partage aussi avec des millions de personnes devant leur télévision pour les grands matches de l’élite. Notre Rugby est un sport unique, formidable outil de développement personnel car il créé, sur et autour des terrains, un lien si particulier entre les hommes et les femmes rassemblés autour de valeurs nobles telles que le respect, la confiance, la solidarité et l’engagement physique.
Cet engagement physique, surtout à haut-niveau, peut parfois inquiéter.
Aussi la hausse des blessures constatées dans le rugby professionnel, et les «images chocs» très médiatisées, ne peuvent que renforcer cette inquiétude et nous questionner collectivement sur les meilleures pistes d’évolution de notre sport.
« PRÉSERVER LA SANTÉ DES JOUEURS EST MA PRIORITÉ »
Depuis que je suis en fonction, j’ai pris ce dossier en main personnellement. Voici les mesures que nous avons déjà prises :
Au mois de juin 2017, le Comité Directeur de la FFR a voté le test du « Carton Bleu » sur les compétitions de Fédérale 1 et de Top 8 féminin pour la saison 2017-2018. Nous sommes ainsi le second pays au monde à expérimenter cette mesure.
Au mois d’octobre 2017, la FFR et la LNR sous l’égide de l’Observatoire Médical du Rugby ont réuni médecins, techniciens, experts, arbitres et chercheurs pour travailler collectivement sur la prévention des blessures.
Au mois de mars 2018, ce travail a permis d’élaborer 45 préconisations, dont 10 pour le rugby professionnel.
Au mois de septembre 2018, 4 de ces préconisations sont déjà opérationnelles en TOP 14 et PRO D2 dès cette saison.
LANCEMENT DU PROGRAMME NATIONAL « RUGBY BIEN JOUÉ » POUR LA SAISON 2018-2019
Bien évidemment le travail de l’Observatoire Médical du Rugby concerne également le Rugby amateur. Une partie des préconisations issues de ce travail a donné naissance à un Plan National de Prévention des Risques liés à la Pratique du Rugby.
Ce plan vous a été présenté au Congrès de Perpignan et s’appelle le plan « Rugby Bien Joué ». Ce plan a pour objectif de renforcer la sécurité de la pratique de notre Sport en agissant à tous les niveaux, la formation du joueur, l’échauffement, la maîtrise des fondamentaux comme le plaquage, la connaissance des règles, l’information au sein de vos clubs des mesures de prévention, de détection, de prise en charge et du suivi des joueurs victimes d’un choc ou de commotion.
Ce Programme National « Rugby Bien Joué » a vocation à mobiliser toutes les partie-prenantes du rugby français pour prendre soin de notre rugby.
Le programme bien joué a comme objectif une pratique du Rugby adaptée, éclairée et avec le minimum de risque. Le programme bien joué doit permettre à toutes et à tous de vivre sa passion pleinement et sereinement.
Un programme national spécial Rugby amateur…
Ce programme possède 4 axes principaux et quelques actions phares:
Axe 1 « bienpratiqué » : afin de pratiquer un rugby intelligent privilégiant le jeu d’évitement et diminuant le nombre de situations à risque
Extension du carton bleu. Après une « année test » en fédérale 1 et en TOP 8 Féminin, le Carton bleu est étendu au TOP 14 et à la ProD2 ainsi qu’à toutes les divisions fédérales amateurs, diminuant ainsi la situation à risque du joueur commotionné et maintenu sur le terrain.
Aménagement des contacts dans la pratique :
– Appliquer le touché 2 secondes aux U8 / U10 / U12 : pour encourager à la prise d’informations, de décisions, au travail des appuis, à l’évitement…Ce changement dans la formation doit permettre une future pratique cultivant plus encore l’évitement et la passe pour le franchissement.
– Proposer des alternatives au Rugby à XV tournées vers le bien-être comme le Rugby à 5 (+ 44% de licenciés de rugby à 5 entre Juin 2016 et et Juin 2017 )
Axe 2« bienpréparé »: Se préparer et préparer les autres dans les règles de l’art pour apprendre les bons gestes et éviter les blessures, notamment en ce qui concerne l’échauffement.
Vidéos d’entraînements certifiées mises à votre disposition et accessibles en ligne dès cette saison. Le déploiement de 150 CTC pour mieux former nos éducateurs.
Supports pédagogiques pour des échauffement spécifiques adaptés à notre Sport ( En Angleterre diminution constatée de près de la moitié des blessures grâce à des programmes d’échauffements spécifiques)
Axe 3 « bien informé » : c’est connaître les règles mais aussi les risques pour mieux les anticiper
Doublement des journées sécurité annuelles sur tout le territoire : des journées de sensibilisation à tous les acteurs du Rugby français pour un partage d’informations et une formation régulière
Distribution de multiples supports de communication du programme Bienjoué
– Livrets d’exercices, affiches « Rugby Bien Joué» publiés et distribués dans vos Clubs.
Axe 4 « Bien suivi » : Mettre en place des outils scientifiques encore plus performants pour le suivi et la prévention de l’Accidentologie dans notre sport
Un partenariat de recherche médicale a été signé avec l’un des plus grands instituts d’épidémiologie française l’ISPED (Institut de Santé Publique et d’Epidémiologie et de Développement)
Structuration et pérennisation de l’Observatoire Médical du Rugby : maintenance des travaux, présentation des conclusions annuelles lors de chaque Congrès.
Un réseau de médecins référents à votre disposition sur l’ensemble du territoire pour une meilleure identification et une meilleure prise en charge des blessures
Amélioration de la formation de nos éducateurs à la détection et à la prise en charge immédiate des joueurs blessés gravement ou par commotions
Ce plan n’est qu’un début. Nous le déploierons dès cet automne mais la réflexion pour son développement continue.
J’ai ainsi proposé au Comité Directeur de la FFR du 31 août de bouleverser le thème de notre séminaire de rentrée en le consacrant aux travaux de l’Observatoire Médical du Rugby et à la planification des mesures qui en sont issues.
Ce séminaire pourrait être force de proposition nouvelle.
Je tiens aussi à souligner que dans ce chantier capital pour notre Rugby, nous travaillons avec la LNR dans une parfaite entente. Les informations, les travaux, les réflexions sont partagés pour une efficacité maximale et dans l’intérêt du Rugby français.
Enfin depuis que je siège au Comité Exécutif de World Rugby , je suis particulièrement attentif à tous les sujets attrayants à la santé des joueuses et des joueurs.
Je participe à toutes les réflexions sur l’évolution des règles, ainsi lors de notre dernier Exco à San Francisco j’ai proposé une modification radicale des règles concernant la lutte aux ballons aériens. Cette modification, qui protégera efficacement les joueurs et joueuses durant ces actions particulièrement à risques, a été immédiatement adoptée et entrera en vigueur très prochainement.
La santé des joueurs est la responsabilité de tous les acteurs du rugby français au quotidien mais j’en ai fait mon premier devoir.
Soyez convaincus de ma détermination et de notre lutte sans relâche pour que chacun de nous puisse s’épanouir dans sa façon de vivre le rugby, de le pratiquer, de le chérir, et pour que le Rugby reste cet art de vivre, capable de nous inspirer comme nul autre lorsqu’il est bien joué. «
Bernard LAPORTE
Président de la FFR