Le rugby a ceci pour lui qu’il se nourrit, il est vrai, d’expressions culinaires bien typiques : soupe de phalanges, distribution de marrons, de caramels, envoyer une pizza, faire une fourchette ou une cuillère, faire une cocotte ou avoir les oreilles en chou-fleur. Or, l’arrivée des barrages pour les phases finales nationales marque bien le retour du salé et du poivré, des rencontres où tout se joue sur une seule rencontre, en attendant le pimenté du week-end suivant, où les plats seront plus relevés encore. Et du côté de Bram, le plat du jour proposait Maureillas face à Valence d’Albi pour une place en 1/32e de finale du championnat de France de Deuxième Série. Un menu équilibré tant sur le papier que sur le classement de la saison régulière, entre deux équipes que tout opposait pourtant, en style comme en jeu, entre Tarnais jeunots mais très prometteurs, et Catalans moustachus mais toujours fougueux… (résumé et photos par Wildon)
D’entrée de jeu, Maureillas fait parler sa force en mettant les Tarnais sous pression immédiate. En deux poussées, les Catalans envoient Nègre s’envoler littéralement sous les perches valenciennes (2e, 5-0), essai non transformé par Castillo. Coté tarnais, on ne s’affole pas pour autant et l’on entend alors le coach appeler ses joueurs à rester patients, tant dans la défense que dans la construction du jeu. L’appel est entendu et le jeu s’équilibre rapidement. Valence obtient une pénalité que Bénédet ne passe pas (19e). Il en va de même pour Castillo, qui rate sa tentative peu avant la demi-heure de jeu (28e). L’entraîneur de Maureillas rafraîchit sa première ligne avec un coaching gagnant : sous l’effet d’une grosse cocotte, les Catalans poussent leurs adversaires à la faute et obtiennent une pénalité face aux poteaux. Or Castillo n’est pas dans un bon jour, et rate complètement le H… (30e).
Bien inspiré, Maureillas lance de terribles attaques pénétrantes par les frères Nègre ou encore Baylet. Cyril Nègre perce la défense tarnaise pour un nouvel essai sous les barres, la transformation étant l’œuvre de Baylet (35e, 12-0). Et rebelote pour les Catalans qui, juste avant la mi-temps et en trois poussées seulement, envoient Lacassagne en terre promise, Baylet bonifiant l’essai dans la foulée (38e, 19-0)
De retour des oranges, Maureillas prend les points d’une pénalité accordée dès l’entame de jeu, pénalité que Baylet, inspiré et en réussite, frappe et passe quasiment depuis le centre du terrain (41e, 22-0). A partir de ce moment-là, les Catalans vont commencer à vouloir gérer leur avance en faisant tourner l’effectif et en tenant les Tarnais à distance de leur camp. Or ces derniers, abandonnant leur stratégie de prudence, vont faire parler l’audace de leur jeunesse, en faisant déjouer les Catalans d’une part, et en proposant (enfin) des actions de jeu s’appuyant sur leur vitesse. Maureillas recule imperceptiblement, multipliant les petites fautes de précipitation mais aussi celles commises sous la pression valencienne. Pour finalement craquer en laissant filer Albinet vers un essai en coin concluant une belle phase de jeu collective, deux points s’ajoutant au cinq grâce à la transformation de Chazottes (52e, 22-7)
S’ensuit alors une période indigente pour Maureillas, les joueurs commençant à perdre le fil de leur jeu mais aussi leur patience, contestant l’arbitre et discutant fiévreusement entre eux comme un jour de marché. Nerveux et multipliant les fautes de main et de placement, les Catalans remettent les Tarnais dans le jeu, ce qui se traduit par un nouvel essai de Valence, Chazottes se chargeant de l’aplatir et de le transformer (59e, 22-14).
Revenus à huit points seulement au tableau d’affichage, les quelques supporteurs tarnais commencent à sérieusement donner de la glotte pendant que leurs homologues tarnais sortent les mouchoirs pour mieux s’éponger les fronts ruisselant d’inquiétude. Et si Valence revenait du diable vauvert ? Et si les Tarnais nous offraient une incroyable « remontada » ? Huit points seulement ! D’autant que Baylet, jusque-là en veine, rate une belle pénalité qui aurait mis les Catalans à l’abri (74e).
Jusqu’à présent conquérant, séduisant et dominateur, Maureillas balbutie son rugby. Nouveau coaching de Christophe Cazaban, lequel renvoie sur le pré ses « moustachus » pour apporter plus de stabilité dans le jeu et calmer ce qui doit l’être. La fébrilité disparaît progressivement et l’on retrouve les banderilles des arrières catalans dans les lignes tarnaises. Valence résiste bien et continue de proposer le jeu débridé qui leur a réussi depuis le début de la seconde période. Mais plus rien ne viendra contrecarrer la victoire finale de Maureillas.
Si les Tarnais peuvent nourrir quelques regrets bien sentis de n’avoir pas « oser » plus tôt, les Catalans peuvent savourer leur qualification tout en s’inquiétant de leur inconstance, au point de passer par tous les états possibles, tous seuls comme des grands : de la joie à la frayeur, de la fébrilité au soulagement et à nouveau à la joie. Aujourd’hui, ça passe, la prochaine fois, ça cassera peut-être…
Réactions
RA : Au vu de la rencontre, on a finalement l’impression que vous êtes passés par tous les états possibles tous seuls, comme des grands ?
CC : Exactement ! On a la main mise sur le match, mais sur les temps faibles, on s’est mis le feu nous-mêmes, on panique et on les remet dans le match sur un ballon lâché dans les « vingt-deux », ou une erreur de défense, on monte à deux sur le même joueur et on prend un essai au final. On les a remis dans le match, comme des grands oui.
RA : Que peut-on retenir justement d’un match comme celui-ci en prévision du suivant ?
CC : C’est le message qu’on a passé aux gars sitôt la fin du match : au niveau des choix et de l’intensité, c’était très bien. Mais les erreurs qu’on a commis, c’est passé aujourd’hui, cela ne passera pas tous les dimanches. Notre adversaire s’est nourri de nos erreurs et il faut les gommer très vite pour la phase finale nationale parce qu’avec un autre adversaire, cela ne passera pas.
RA : C’est finalement l’apologie de la constance que vous allez travailler ?
CC : Oui, exactement parce que nous sommes sur courant alternatif actuellement. On est capable d’être bien sur de larges séquences comme de nous mettre tous seuls dans le rouge. Nous devons rechercher cette constance et faire en sorte que quand les remplaçants entrent, on ne baisse plus en régime mais qu’ils nous apportent plus encore.
RA : Tout au long de l’échauffement et de la première période, on vous a entendu « petits pas, petits pas » à vos joueurs, quelque part faire l’éloge de la patience dans votre jeu, et c’est finalement quand vous avez été moins « sages » que vous les avez fait déjouer et que vous avez été le plus dangereux. Que vaut-il mieux être au final : tête folle ou tête froide ?
CR : C’est compliqué… (petit silence). C’est compliqué parce que tout au long de la saison, j’ai essayé de mettre en place un système de jeu qui misait sur la patience, ce qui nous a plutôt réussi et nous a valu pas mal de victoires contre des équipes un peu plus faibles. Mais contre une équipe plus structurée comme Maureillas, je pensais qu’avec un jeu patient face à des joueurs plus âgés que les nôtres, on allait pouvoir leur mettre le grappin dessus. Sauf que finalement l’expérience a été plus forte que la patience. Du coup, à la mi-temps, j’ai changé mon fusil d’épaule et j’ai demandé à ce que l’on joue tous les ballons. Après, ils ont fait sortir leurs cadres en seconde période, on le voit bien, avec des remplaçants un peu moins forts que les autres, on a su en profiter, on a emballé le match. On a su aussi profiter de leur relâchement… A 22-0, c’est compréhensif. Du coup, on leur a fait peur…
RA : Vous y avez cru quand vous êtes revenus à 22-14 ? Vous avez cru pouvoir renverser le cours du match ?
CR : Oui, bien sûr ! J’ai une équipe de gros « branleurs » (sic) mais ils sont capables de tout, de renverser des montagnes. On a un potentiel collectif qui est juste « énorme ». Mais aujourd’hui, demander de la patience n’était pas la bonne stratégie.
LA FEUILLE DE MATCH
A Bram (Stade des Pyrénées) – Maureillas – Valence d’Albigeois 22-14
Mi-temps : 19-0
Pour Maureillas : trois essais de L. Nègre (2e), C. Nègre (35e) et Lacassagne (38e), deux transformation (35e et 38e) et une pénalité de Baylet (41e)
Pour Valence d’Albigeois : deux essais d’Albinet (52e) et Chazottes (59e) et deux transformations de Chazottes (52e et 59e)
Maureillas : Port, Coste, Vilaceca, Senoussaoui, Bastit, Maurel, Albitre, Luyckfassel (cap), Carrère, Castillo, Lebrun, C. Nègre, Gaffet, Baylet, L. Nègre – Rempl : Lacassagne, Molinier, Mora, Genis, Vinaja, Bernard, Pennachio
Valence d’Albigeois : Puech, Malaterre, Cuq, Gondran, Faupala, Alvergne, Maurel (cap), Albinet, Tarroux, Armengaud, Delpoux, Lhoumaud, Chazottes, Chaudat, Benedet – Rempl : Roussel, Esteveny, Ricardo, Séverac, Touzé, Bauchard.
IMAGES DE MATCH