Le Stade Marcel-Billière de Rieumes était ce weekend le théâtre d’un quart de finale de championnat de France de Fédérale 3 des plus intriguants. Deux équipes aux parcours et aux profils fort différents se faisaient face. D’un côté, l’Entente Aramits Asasp, qui s’était successivement débarrassée de Pont Long (grâce à un superbe retournement de situation au match retour) puis de Coarraze Nay (16 à 13), pourtant donné favori, dans une confrontation 100% béarnaise. De l’autre, Gruissan, impressionnant tant lors la phase régulière (21 victoires en 22 rencontres) que depuis le début des phases finales. En effet, les Audois avaient tout d’abord disposé de Larressore avant d’atomiser (38 à 8) Négrepelisse en huitièmes. Avec une place dans le dernier carré en jeu, cette confrontation ne manquerait à coup sûr, ni de suspense, ni d’intensité… (Par Marco Matabiau/ Photos Chris Farmer).
Le début de match était équilibré et voyait les Béarnais essayer d’enchainer les temps de jeu. Ils avaient pourtant du mal à conserver le cuir: soit ils l’échappaient au contact, soit les Audois le récupéraient dans le jeu au sol, notamment grâce à l’ex-Carcassonnais Teyssier. Des Audois qui devaient se réorganiser d’entrée puisqu’ils perdaient l’ailier Poupard (visiblement touché au genou). Il était remplacé par le centre Aguillera et Lopez glissait à l’aile. A la 9è, le buteur d’Aramits Ducombs manquait la cible une première fois des 38 mètres sur la droite. Il fallait attendre la 12è pour voir Gruissan lancer sa première offensive sur l’aile droite par l’arrière Chastaing. L’action rebondissait et après plusieurs temps de jeu, Aguillera se voyait repris tout près de la ligne mais les ententistes se mettaient à la faute. Chastaing transformait la pénalité des 10 mètres en face (3 – 0, 13è). Aramits réagissait dans la foulée: sur une chandelle allumée par le jeune demi d’ouverture Domercq (18 ans), l’arrière-garde audoise commettait un en-avant, repris devant. Des 30 mètres, Ducombs égalisait (3 – 3, 16è). Quelques instants plus tard, sur un beau maul porté des vert et blanc, Gruissan se mettait de nouveau à la faute mais le centre béarnais ratait encore une fois la cible (18è).
Jouée sur un bon rythme, cette première période gagnait encore en intensité. Les chocs se faisaient plus rudes et la défense d’Aramits faisait des merveilles. Néanmoins, peu avant la demi-heure, le jeu au pied par-dessus du demi de mêlée audois Brull mettait en difficulté l’arrière Urrustoy, qui concédait une touche à cinq mètres. Sur celle-ci, les avants gruissanais enclenchaient la marche avant et, suite à une série de « pick and go » d’école, le troisième ligne Regy inscrivait le premier essai du match. Chastaing transformait (10 – 3, 30è). Avant la pause, Aramits avait bien l’occasion de revenir à la marque, tantôt après une belle action orchestrée côté droit par Ducombs et Lahore, tantôt sur une nouvelle pénalité de Ducombs (après que Teyssier a gardé le ballon au sol), mais rien n’y faisait. Le score n’évoluait pas jusqu’aux citrons.
Un chassé croisé d’anthologie…
La rencontre s’emballait peu après le retour des vestiaires. Aramits relançait depuis ses 22 mètres, Ducombs allongeait pour son arrière Urrustoy. Ce dernier se décalait sur la passe, mettant son adversaire direct dans le vent avant même d’avoir le ballon, et partait dans une folle cavalcade avant de servir Forsans. L’ailier essayait de manoeuvrer le dernier défenseur et remettait le ballon intérieur. Un Gruissanais touchait le cuir et l’envoyait dans son en-but. Le demi de mêlée Laricqfourcade n’en demandait pas plus: il plongeait et inscrivait l’essai (10 – 8, 44è). Gruissan semblait déboussolé: quelques instants plus tard, Chastaing cafouillait à la réception d’une chandelle, Aramits récupérait et il s’en fallait d’un cheveu (ou d’un maillot un peu trop large) pour que Forsans n’aille inscrire l’essai (47è). Les Béarnais maintenaient la pression, notamment grâce au jeu au pied judicieux de Laricqfourcade, qui mettait cette fois dans l’embarras Rémi. Ce dernier était projeté hors du terrain par son homologue. La touche qui suivait était gagnée par Aramits, qui s’organisait en maul porté avec pas moins de onze joueurs. Deux temps de jeu plus tard, Casau se glissait dans un trou de souris côté droit pour donner l’avantage aux siens (13 – 10, 51è). L’exploit semblait à portée de main pour les vert et blanc.
A vingt minutes du terme, Gruissan remettait la main sur le ballon. Après un lancer bien capté par Teyssier, le pack rouge et bleu se mettait en ordre de marche et obtenait une pénalité que Chastaing transformait (13 – 13, 60è). Peu après, Groy, replacé en 10 après la sortie de Rosalen à la pause, claquait un drop des trente mètres en face (16 – 13, 64è). Bon nombre des spectateurs présents pensaient alors que Gruissan avait fait le plus difficile. C’était bien mal connaitre les Béarnais qui, sur le coup de renvoi, repassaient devant. Après un long jeu au pied des Audois, la relance s’organisait, l’ailier Forsans transperçait le rideau tissé par les Gruissanais et allongeait une magnifique passe côté droit pour Ducombs. Le centre accélérait et résistait au retour de Chastaing pour inscrire un superbe essai en coin et redonner l’avantage à ses couleurs (18 – 16, 65è).
Cinq minutes plus tard, Gruissan revenait à quelques encablures de la ligne de but adverse mais se voyait sanctionner après un contact illicite entre deux partenaires. Sur la mêlée qui suivait, la puissance audoise faisait la différence. Le coup franc obtenu était joué rapidement et le ballon écarté jusqu’à Aguillera qui marquait sans opposition. Chastaing, impeccable au pied, transformait en bonne position (23 – 18). A nouveau, Aramits réagissait mais manquait de précision, comme sur ce coup de pied en touche raté à une minute du terme. Une fin de match qui voyait M. Chiodi Schroeder (excellent ce dimanche) donner un carton jaune au talonneur béarnais Coste pour un geste d’énervement (80è + 2) et siffler, dans la foulée, la fin de cette haletante rencontre.
Dans ce qu’on pourrait qualifier d’énième remake du célèbre et biblique David contre Goliath, c’est cette fois le géant qui l’a emporté au terme d’une rencontre riche en émotion. Avec un courage et une intensité rares, les Béarnais ont fait vaciller les Audois, pourtant donnés grands favoris de ce quart de finale. Outre ces éléments essentiels en phases finales, les hommes d’Olivier Gouaillard et Jacques Foix ont également proposé un rugby complet, bien organisés autour de Casau, omniprésent tant à la relance que dans le combat au près, et de la charnière Laricqfourcade-Domercq. Il aura sans doute manqué le brin de réussite souvent nécessaire en phases finales: la bonne quinzaine de points laissés en route au pied par le buteur ainsi que l’action d’essai avortée de la 47è auront eu raison des vélléités béarnaises. Même si la défaite peut avoir un goût amer, elle n’enlève rien au superbe parcours des vert et blanc qui, l’année de leur cinquantenaire, accèdent brillamment à l’échelon supérieur.
De son côté, Gruissan a su faire le dos rond lors de ses temps faibles et capitaliser à la moindre occasion. Dans ces moments-là, l’expérience de joueurs tels que les ex-Narbonnais Regy, Palomera et Rosalen ainsi que du capitaine Teyssier a bien entendu été prépondérante. La réussite du buteur Chastaing (10 points à 4 sur 4) tout comme l’apport d’Aguillera (entré dès la deuxième minute pour suppléer Poupard) en fixation auront également été déterminants. Sous les yeux du « petit prince » Didier Codorniou, présent en terre rieumoise ce dimanche, les joueurs de Christophe Bibouleu et Thomas Clavière se qualifient donc pour les demi-finales du championnat de France. Ils y retrouveront un autre gros morceau, Floirac, vainqueur de Périgueux dans un match enlevé (34 – 29).
Réactions
Christophe Bibouleu (Entraîneur, Gruissan): « On fait un bon début de partie défensivement. Ensuite, il me semble qu’on avait le match bien en mains à un moment. On prend un peu l’ascendant, puis on prend cet essai sur une superbe action de leur part. Cela les remet dans la partie. On a eu la capacité à réagir. C’est vraiment bien. Qu’est-ce qu’ils sont accrocheurs ! (…) On a frôlé la correctionnelle. Cela avait déjà été le cas contre Larressore. Ce sont des équipes qui ne lâchent jamais, qui ont des vertus, qui ont de bons joueurs de rugby. On est satisfaits d’avoir gagné, on ne l’a pas volé, mais ça a été très difficile face à une équipe qui a des valeurs. Je crois que nous aussi aujourd’hui, nous nous sommes appuyés sur nos valeurs. »
Olivier Gouaillard (Entraîneur, Aramits): « On a été valeureux mais on a pêché sur trois ou quatre moments du match et ça ne pardonne pas. Cette mêlée à cinq mètres de notre ligne notamment. On n’a pas réagi à l’événement et on s’est laissés emporter; on prend un bras cassé derrière et ils marquent en suivant. C’est un tournant. Puis on manque un essai sur un pressing qu’on leur met. On aurait scoré, je pense qu’ils auraient eu la tête sous l’eau. Gruissan est une équipe qui est costaud, qui a des ressources et des joueurs de qualité. Evidemment les miens donnent tout mais ne peuvent pas donner l’impossible (…) A chaque fois qu’on a encaissé des points, on a eu une belle réaction. On a remarqué, soit au pied soit par un essai. Après, le souci, et j’insiste là-dessus, cette mêlée à cinq mètres nous fait beaucoup de mal. A partir de là, je pense qu’on a perdu le match. »
Adrien Aguillera (Trois-quart centre, Gruissan): « On a affronté une belle équipe avec de la qualité. On les connaissait un petit peu. On les a respectés car on savait qu’ils avaient des valeurs. Peut-être que ce qui leur a manqué, c’est de penser que nous aussi, on est des copains même si on est à Gruissan au bord de la mer. Je ne pense pas qu’ils nous aient trop respectés (…) On n’a rien lâché. Je pense que ça leur a fait mal aussi. Quand on prend l’essai, on se parle dans l’en-but en se disant que ce n’était pas grave d’être menés, qu’on allait montrer qu’on était là. On l’a fait en remarquant et en reprenant les devants. »
Fred Casau (Troisième ligne centre, Aramits): « On est tombés sur une très grosse équipe, avec de gros gabarits. Même si on était moins gaillards, je pense qu’on a répondu présents. On a bien défendu, ça se joue à une mêlée sur laquelle on prend un coup franc qu’ils jouent vite. Cela leur permet de marquer. On loupe aussi 15 points au pied. Très déçu parce que je pense qu’on méritait aussi de gagner aujourd’hui (…) On a bien réagi quand on a encaissé des points. Tout au long de la saison, ça a été comme ça: on nous croyait morts et on revenait. C’est ce qui fait notre force à Aramits. Aujourd’hui pourtant ça n’a pas suffi. On ne s’est pas mis assez vite à l’abri. Ils ont été très bons et méritent leur victoire. »
Didier Codorniou (Maire du Gruissan, 31 sélections en Equipe de France): « Un match très équilibré entre Gruissan, très costaud devant, et Aramits, solide et vif derrière. Des moments difficiles pour les deux équipes. Le buteur d’Aramits est passé complètement à côté, laissant une quinzaine de points en route. A partir de là, ça devient extrêmement difficile de gagner un quart de finale avec une équipe qui est assez dominée devant mais pas suffisamment. En tant que maire de Gruissan, bien sûr que je suis heureux pour les joueurs. Je me mets aussi à la place des joueurs, dirigeants et supporters d’Aramits qui auraient pu aussi se retrouver en demi-finales. C’est aussi ça les phases finales, il y a toujours ce petit coup de chance pour les uns, de malchance pour les autres. Quoi qu’il en soit, un bon match de rugby, très indécis. J’ai trouvé Aramits très surprenant dans les fondamentaux, dans le jeu, dans la dureté. J’ai discuté avec des joueurs de Gruissan qui sont habitués à rencontrer des packs solides et ils m’ont dit que le match avait été très compliqué. »
Feuille de match
A Rieumes (Stade Marcel-Billière): Aviron Gruissanais Rugby bat Entente Aramits Asasp 23 à 18 (mi-temps: 10 à 3)
Arbitrage: M. Vincent Chiodi Schroeder (Comité Périgord Agenais) assisté de MM. Éric Soulan et Jérôme Passemar (Comité Midi-Pyrénées).
Pour Gruissan: 2 essais Regy (30è), Aguillera (73è), 2 pénalités (13è, 60è) et 2 transformations Chastaing, 1 drop (64è) Groy .
Pour Aramits: 3 essais Laricqfourcade (44è), Casau (51è), Ducombs (65è), 1 pénalité (16è) Ducombs.
Cartons jaunes: à Aramits, Coste (80è + 2).
Composition Gruissan: Chastaing; Rémi, Lopez, Groy, Poupard; Rosalen (o), Brull (m); Teyssier (cap), Regy, Barrancos; Escalier, Lepiver; Palomera, Susigan, Ramey.
Sur le banc: Pray, Baeza, Jimenez, Redon, Charpentier, Rodriguez, Aguillera.
Entraîneurs: Christophe Bibouleu et Thomas Clavière.
Composition Aramits: Urrustoy; Bernues, Lahore, Ducombs, Forsans; Domercq (o), Laricqfourcade (m); Casau, Elichabe, Gabastou; Lahore (cap), Bonne; Sagardoy, Coste, Arriuberge.
Sur le banc: Supercaze, Blanchard, Tristan, Esconobiet, Dies, Lapeyrade, Bengochea.
Entraîneurs: Olivier Gouaillard et Jacques Foix.