Pradaud a un genou en terre. Il y a quelque chose de douloureux à voir le grand troisième ligne centre de Pamiers, pleurer comme un enfant. Enfermé comme tous ses coéquipiers dans la tristesse d’un rêve de finale qui s’est brisé dans les dernières secondes. Le colosse est inconsolable, alors qu’à quelques mètres de là, le contraste est saisissant avec la joie des Issoriens, ivres de bonheur, eux qui étaient virtuellement éliminés de la course au titre, trente secondes plus tôt. Mais avant de relater ces fameuses cinq minutes, il convient de revenir en arrière, un peu avant 15h00, sur la pelouse du stade de Figeac, baignée d’un énorme soleil, et cerclée d’un public chaud bouillant… (Résumé et photos de Wildon)
Après coup, en refaisant le match, certain(e)s pourront toujours avancer qu’il y avait eu un signe avant-coureur à cette défaite appaméenne, et cette entame délicate lors des vingt première minutes. A croire que les Ariégeois ne sont pas encore descendus du bus tant le jeu est fade, non dénué d’envie certes, mais tout juste dangereux pour des Auvergnats qui, eux, se montrent incisifs. Les fulgurances de leur jeu à la main, attaques lancées sur les petits côtés, font mal. Les Issoiriens sont efficaces par le jeu au pied de Bourliaud, lequel claque deux pénalités sur trois avant la pause fraîcheur (19e, 0-6).
On pourra alors longtemps discuter de l’utilité de cette « mini mi-temps » et ses fonctions désaltérantes, si ce n’est aussi de casser la dynamique du moment. Le match aurait-t-il été le même sans cela ? Issoire aurait-il creusé l’écart sur une formation alors à la recherche de son rugby ? Bien sûr, selon de quel côté du clocher vous vous situez, l’appréciation de cette pause ne sera pas la même. Toujours est-il que Pamiers ouvre enfin le score par une pénalité à long rayon d’action signée Alban Casenave (21e, 3-6). Quatre minutes plus tard, Bertro gratifie l’enceinte de Figeac d’une superbe chevauchée dans la défense auvergnate. L’Ariégeois n’est plus qu’à quelques mètres de la ligne d’en-but quand, dans un geste défensif désespéré, Guyo fait une cuillère sur Bertro qui s’écroule, roule et boule jusqu’à l’en-but pour marquer son essai. Mais monsieur l’arbitre siffle d’abord le geste d’anti-jeu du pilier issoirien et requalifie la marque en essai de pénalité (25e, 10-6). Voici Pamiers qui passe devant au score, totalement relancé en quatre minutes seulement.
Le match gagne en intensité. Et si les impacts physiques se font plus rudes, la course-poursuite du score se fait désormais par le jeu aux pieds des artificiers en titre, de part et d’autre. C’est tout d’abord la pénalité de Bourliaud qui ramène les siens à un point de retard (27e, 10-9) puis Casenave qui réplique (33e, 13-9) puis encore Bourliaud, punissant Pamiers pour une faute et qui perd en prime Richard, jaune-cartonné juste avant la mi-temps (40e, 13-12).
Un final incroyable…
Il faut croire que les pauses réussissent bien aux Ariégeois qui, au retour des vestiaires, marquent un essai de bouquetin, Laforgue percutant par deux fois ses adversaires avant de plonger en terre promise, et Casenave bonifiant le tout (45e, 20-12). Une partie du public se dit alors que cette fois-ci, le trou est fait. Même pas ! Sur une chandelle anodine, Ramade ne vient à la récupération du cuir. Est-il aveuglé par le soleil ou veut-il assurer sa prise ? Toujours est-il qu’il opte pour le rebond du ballon avant de s’en saisir. Mais l’ovalité du cuir lui joue un tour de cochon et le rebond profite à Pradeau qui décale Freddy Cabantous pour l’essai qui relance à nouveau le match, Bourliaud faisant le reste d’une transformation pleine de sang-froid sous un soleil chaud, et un public bouillant (52e, 20-19).
La pression monte d’un cran quand ce même Bourliaud manque de peu de faire virer Issoire en tête à la marque : sa pénalité échouant d’un rien sous la barre transversale des perches (55e). Alban Casenave, lui, ne rate pas l’occasion et passe une pénalité de quarante mètres juste avant la seconde pause fraîcheur (60e, 23-19). Bourliaud recolle le souffle des siens dans la nuque des Pyrénéens d’une pénalité parfaitement tirée (62e, 23-22). Le jeu reste viril mais correct. Les impacts, conjugués à la chaleur du moment, commencent à éreinter le physique des joueurs. Chaque action offensive, chaque regroupement laisse deux, trois ou quatre joueurs à genoux ou allongés sur le pré, les bras en croix, le souffle court, les corps endoloris. Jamais, peut-être, le stade de Figeac n’a autant mérité son nom de Stade du Calvaire tant les deux équipes se livrent totalement et se rendent coup pour coup. Ce match-là pue la tragédie de la dernière seconde à plein nez.
Car le temps s’écoule, inexorablement, tandis que Pamiers maintient son point d’avance, arc-bouté autour d’une défense de fer. Et la 79e minute arrive. Encore soixante secondes et Pamiers sera en finale du quatrième échelon du rugby français. Soixante secondes…
C’est là que nous nous retrouvons au début de ce récit. C’est là que l’arbitre siffle une nouvelle faute à l’encontre de Pamiers et plus particulièrement de Pradaud. Plusieurs fois rappelé à l’ordre par le directeur du jeu, qui sort le carton jaune. Effet collatéral, la punition vaut aussi une pénalité pour Issoire. La moitié du stade de Figeac rugit de colère pendant que l’autre moitié chavire d’espérance. Bourliaud s’approche et pose son ballon sur le tee. Il regarde les perches. Quarante mètres au bas mot. Quarante mètres et l’espérance de renverser le sort de cette partie. Il s’élance, frappe, le cuir monte, vole, file pendant que le stade retient son souffle. Silence total de quelques secondes à peine qui illustre la tension de l’instant. Le ballon redescend… entre les barres ! Dans une bronca totale, Issoire bascule en tête (80e, 23-25), pendant que l’arbitre indique quatre minutes de temps additionnel.
Pamiers repart à l’assaut des lignes issoiriennes. Un œil sur la pendule et l’autre sur le jeu, le temps égrène des secondes de la taille d’un siècle dans ce sablier électronique. Et voici que l’arbitre siffle une pénalité pour Pamiers (80ème +2). Et l’autre moitié de la tribune, qui tout à l’heure vociférait après l’arbitre, acclame sa décision. Ce match devient fou. Le long de la ligne de touche, Alban Casenave en position peu favorable, prend son temps et s’élance. Le coup de pied est magistral, le ballon prend la direction des perches… et heurte le poteau.
Ce satané ballon ovale retombe en avant de la ligne d’en-but auvergnat. Les mains se tendent pour s’en saisir, passant des uns aux autres pour finir… entre des mains appaméennes. Un regroupement se forme, Pamiers travaille dans le ruck pendant que Casenave se décale pour un objectif limpide : le drop de la dernière chance.
Surtout à cette distance. Surtout face aux perches. Le ballon est sorti de son maul, ouverture parfaite sur Casenave qui réceptionne et arme son drop. Figeac tremble. On joue la 80e +4, la frappe est belle, prend la bonne direction, mais voilà que deux Issoiriens montent comme des fous en voltigeurs sur le buteur appaméen, avec leurs bras tendus comme des moulins à vent. Et l’incroyable (ou le terrible, selon ce que vous serez) se produit : le ballon est contré ! Un autre Issoirien se couche sur le cuir, ballon enterré. Les Auvergnats explosent de joie. Cette possession à l’arrache vaut la fin du match que l’arbitre siffle dans la foulée.
D’un côté, on bascule dans la folie la plus totale, de l’autre dans la détresse la plus profonde, d’un côté dans les rires les plus fous, de l’autre dans les larmes les plus amères. Issoire chavire de bonheur après avoir frôlé l’élimination, les Violet et Noir sont allés chercher une qualification improbable au forceps, au cœur, au courage et avec un brin de chance aussi. Le Sporting, quant à lui, a caressé sa qualification de finale pendant un long moment. Il ne restera de tout ceci, qu’un rêve fabuleux désormais bien enfermé et cadenassé dans sa tour d’Issoire…
Les réactions
Franck Panafieu, manager général d’Issoire
Rugby Amateur : Quel est le sentiment qui vous envahit tout de suite. La joie ou le soulagement ?
FP : Un peu les deux. Le soulagement parce qu’on est derrière au score pendant tout le match. Et puis on passe devant sans jamais s’être affolés, même quand il ne restait plus grand-chose au chrono, ni même quand leur dernière pénalité touche le poteau. Et puis de la joie, ensuite, parce qu’on bosse depuis plusieurs saisons pour vivre des moments comme ça. Maintenant, on sait la valeur de nos joueurs, de ces gamins qui sont entrés en jeu, parce qu’on a six Belascain qui finissent la partie, pendant dix minutes et qui emmènent le club en finale. Là, on y est : on va aller jouer une finale. C’est l’aboutissement d’une saison qui a commencé en juillet 2018. C’est fabuleux… c’est juste fabuleux !
RA : Avec l’échéance d’une finale qui va vite arriver, faut-il savourer maintenant ou récupérer tout de suite ?
FP : On va savourer tout d’abord puis, ensuite, on va récupérer, parce que le jeu a été intense, parce qu’il a fait très chaud et parce qu’émotionnellement, cela a été très lourd à vivre aujourd’hui. Il va y avoir besoin d’évacuer tout ça. Ensuite, on va travailler sur des petits détails parce qu’on a eu une seconde mi-temps plus accrochée, on a été un peu moins performants durant cette période. Il va falloir régler ces petits détails qui amènent deux ou trois petites fautes bêtes, de mains, techniques, et qui nous empêchent de passer devant au score un peu plus vite. On profite du moment, on ne s’affole pas parce qu’on sait ce qu’on vaut, on respecte tout le monde mais on ne craint personne. Maintenant, l’objectif final, c’est dimanche prochain, à 17h00, quand on ira en tribune chercher «ce qu’il faut »…
Benoît Marfaing, entraîneur de Pamiers
Rugby Amateur : A quoi tient votre élimination : cette pénalité qui touche le poteau ? Ce drop-goal contré ?
BM : Ce sont des aléas de fin de match. Là où c’est regrettable, c’est de prendre autant de pénalités et tout leur donner sur un plateau. C’est là qu’on va avoir beaucoup de regrets. On nous avait prédit une équipe qui avait survolé leur poule, on s’attendait à un gros morceau et on leur donne combien ? Vingt-cinq points ? Vingt-cinq points (il répète en insistant sur chaque syllabe) ! C’est ce qui fait très mal. La pénalité ? Le drop ? C’est anecdotique. Ce n’est pas là qu’on perd le match. On le perd parce qu’on leur fait trop de cadeaux avec une incohérence au niveau arbitral, ce qui donne beaucoup plus de déception. Maintenant, félicitations à eux. On leur souhaite sincèrement d’aller jusqu’au bout.
LA FEUILLE DE MATCH
A Figeac (Stade du Calvaire) : Pamiers – Issoire 23-25 (Mi-temps : 13-12)
Pour Pamiers : 2 essais de pénalité (25) et de Laforgue (45), 3 pénalités (21, 33, 60) et 1 transformation (45) d’A. Casenave
Pour Issoire : 1 essai de F. Cabantous (52), 6 pénalités de Bourliaud (7, 19, 27, 40, 62, 80) et 1 transformation de Bourliaud (52)
Arbitres : Mr Delpy assisté de Mrs Albuisson et Courdert.
Pamiers : Gilardon Paz, Khalkhal, Teriou, Richard, Valcu, Pecrix (cap), Gatti, Pradaud, Sentenac, A. Casenave, Garcia, C. Casenave, Walencik, Bertro, Guitoune – Remplaçants : Galy, Piorkowska, Laforgue, Jean Boulbes, Jalibert, Simon, Malirach
Issoire : Guyot, Paul, Fraissard, Cubizolles, L. Cabantous, Causse, Chalus, Pradeau, Bourliaud, Villatte, F. Cabantous, Jallut, Amblard (cap), Thooris, Ramade – Remplaçants : Laroche, Ducros, Boivert, En Naihi, Baudonnat, Moni, Renoux.