Comme 13 autres clubs de la Ligue Auvergne Rhône-Alpes en 2023, l’Union sportive Meyzieu (Rhône, Fédérale 3) a accueilli une étape de l’opération « Du Stade vers l’emploi », issue d’un partenariat entre l’ANS, Pôle Emploi, le COJO de Paris 2024 et la FFR. Le but est de réunir demandeurs d’emplois, employeurs, encadrants Pôle emploi et bénévoles autour du rugby et de ses valeurs, pour trouver des jobs à certains et pourvoir des postes à d’autres… (Source FFR)
Sportivement, l’équipe une de l’Union sportive Meyzieu (USM) digère tant bien que mal sa descente de la saison passée en Fédérale 2. L’école de rugby a profité, elle, de la Coupe du monde avec les All Blacks basés à Lyon et des matches (dont un des Bleus) disputés au Groupama Stadium, non loin à Décines-Charpieu, pour augmenter ses effectifs. Mais à l’est de l’agglomération lyonnaise, les Bleu et Blanc ne s’arrêtent pas là. Le club est engagé sur d’autres terrains comme l’inclusion, la citoyenneté, la santé bien-être, l’éducation ou la transition écologique.
Il y a aussi l’action sociétale d’inclusion qui s’articule notamment autour de l’action « Du Stade vers l’emploi » qui sont des événements ludiques, innovants et dynamiques permettant aux demandeurs d’emploi d’en trouver et aux employeurs de dénicher de futurs salariés qui manquent parfois dans certains secteurs. Partout en France, ces événements sont organisés grâce à des partenariats Ligues-Comités départementaux-FFR, voire avec le Comité d’organisation des Jeux olympiques (COJO). L’idée : casser l’entretien classique en face-à-face avec CV pour des rencontres humaines par la pratique du sport qui, souvent, révèle des individus ou des caractères.
Stanislas Dupuich, directeur sportif de l’USM depuis cette saison, l’explique bien : « Cela répond aux actions sociétales du club. On a principalement proposé des ateliers autour du rugby à 5 avec jeu à toucher. L’idée principale était de tendre ensemble vers des objectifs communs. Le club a la volonté de former ses joueurs tout en étant très ancré sur son territoire, qui est très riche d’origines culturelles et de CSP très variées. On sait qu’on ne va pas forcément former nombre de futurs joueurs pro mais notre action importante est de faire le lien. La recherche d’emploi profite des richesses du rugby et du sport collectif qui pousse les individus. »
Demandeurs d’emploi et employeurs incognito
Après le briefing matinal, une dizaine d’encadrants Pôle emploi, une quarantaine de demandeurs d’emploi, une quinzaine d’entreprises, quelques membres de la Mission locale et des acteurs du club participent à ces ateliers rugby avec des objectifs communs sur l’un des terrains, synthétique, que compte le complexe ensoleillé. On repense à cette scène où un demandeur d’emploi mène ses coéquipiers, bien que parlant modestement français. On apprend que l’employeur, agréablement surpris, l’a ensuite sélectionné, lui finançant immédiatement des cours de français, avouant au passage que ce détail aurait été rédhibitoire dans un contexte plus classique.
Un autre demandeur d’emploi, Erol Kaan, en recherche dans le domaine informatique, est lui aussi conquis : « Je n’ai jamais fait de rugby, vu un match, je n’ai jamais fait de sport dans le cadre de la recherche d’emploi ou même de job dating. Le concept est amusant. Cela change des actualisations mensuelles, des rendez-vous en agence et des recherches classiques d’emploi. En plus, j’ai retrouvé un copain du collège ! » Durant toutes les épreuves et rendez-vous de la journée pré-job dating, l’identité des demandeurs d’emploi, des employeurs et des encadrants Pôle emploi n’est pas révélée, chacun portant le même t-shirt.
Cet anonymat permet de mettre au jour certains talents et d’éviter toute barrière, voire discrimination. De quoi ravir Florian Roselli. Le cadre technique engagement citoyenneté à la Ligue Auvergne – Rhône-Alpes, par ailleurs coordinateur technique des opérations « Du Stade vers l’emploi », drive les ateliers ovales : « Meyzieu est un club dynamique qui a des ressources humaines, diplômées, et matérielles fortes. C’est un véritable acteur de son terroir. C’est le cadre idéal afin de répondre à l’un des besoins forts de la société à travers des règles fondamentales du rugby et de mettre en avant les habiletés demandées sur le marché de l’emploi. Les valeurs de la réussite en équipe permettent notamment la ressource perceptive décisionnelle. Parfois, alors que tout le monde est incognito, les demandeurs d’emploi vont prendre le lead lors d’un atelier, d’une séquence ou d’une action. C’est une vraie plus-value. »
Au stade des Servizières de Meyzieu, en pleine zone industrielle où l’emploi est un enjeu majeur, les lumières du Mondial 2023 ont été une opportunité supplémentaire pour mener à bien cette action, comme le détaille Julien Messina, responsable d’équipe entreprises au Pôle emploi de Meyzieu : « Il est pertinent et légitime que le rugby à Meyzieu soit notre partenaire. D’autant que le Mondial a fait parler du rugby à tout le monde et s’y essayer pour certains a fait sens. » Pour revenir au programme concocté de concert, une fois la réunion et les ateliers de jeux passés, place à un quiz rugby portant sur les valeurs, les forces ou l’historique du sport (rappelant qu’un certain Émile Ntamack est passé par les Bleu et Blanc).
Un team building entre deux équipes est même proposé à l’occasion, avec un dernier challenge final de déplacement d’un lourd sac de plaquage. Tous ensemble sous les tonnelles, les acteurs de cette journée partagent ensuite un repas, toujours mélangés. Ce n’est qu’en début d’après-midi, dans une salle adjacente où est organisé le job dating, que les masques tombent. Les employeurs y montent leurs stands et bureaux, voire enfilent leurs tenues et uniformes pour certains. Les visages surpris se mêlent aux éclats de rire. Et à titre d’exemple, des jeunes vont se rapprocher des corps de gendarmerie ou de l’armée, chose qu’ils n’auraient pas imaginée auparavant.
À l’issue de cette opération, Julien Messina, directeur Pôle emploi, est pleinement satisfait : « Si cette action est une première pour notre agence, on avait déjà participé à un stage interne au sein du club de Meyzieu. Ce que représente le rugby convient bien aux employeurs, à commencer par le savoir être, l’esprit d’équipe ou la combativité. Le club de rugby est devenu un partenaire. On a vu beaucoup de demandeurs d’emploi arriver en tirant un peu la tête avant que, dès le premier échauffement, les sourires reviennent et que quelque chose se crée. Le rugby est un sport qui crée des moments en commun. »
Avec quelques joueurs amenés à encadrer l’événement, la plus-value dépasse aussi le cadre de cette rencontre demandeurs-employeurs, comme l’explique Florian Roselli. « Le rugby a raison de sortir de sa raison d’être sportive historique. Un bon joueur de rugby aujourd’hui doit aussi être un bon citoyen qui maîtrise les valeurs de la République, dont le vivre-ensemble. Le levier de la performance sociale doit être un préliminaire à la performance sportive. »
Évidemment, ce type d’action repose aussi en grande partie sur la générosité des bénévoles. Mais Patrick Bayle, récent président de l’USM, sait qu’il peut compter sur eux. « Le projet du club prévoit de ne pas seulement être un club de rugby qui fait de la compétition mais aussi un acteur citoyen. Le rôle d’un président est de coordonner le tout. Avec Nicolas Merle (licencié depuis 50 ans au club et qui a dirigé cette action Du Stade vers l’emploi au club), je suis davantage impliqué dans le projet sociétal que par le passé mais j’ai la chance de n’être qu’un rouage au milieu du grand nombre de passionnés qui accompagnent notre club au quotidien et sur tous les terrains. Alors quand on parvient à mener ces initiatives, fierté et satisfaction se mêlent, mais avec beaucoup de modestie. »