Décidément, cette Fédérale 1 cristallise bien des réflexions et des tensions reliant le rugby amateur au monde professionnel, et ce, depuis plusieurs saisons déjà. Le blocus des clubs professionnels de Pro D2 à l’idée d’accueillir deux nouveaux membres, le bras de fer entre la Fédération Française de Rugby et la Ligue Nationale de Rugby sont des preuves supplémentaires ces dernières semaines. Mais une idée, qui pourrait contenter tout ce beau monde, est en train de faire son chemin. Celle de créer un sas entre les deux mondes. Un niveau intermédiaire…
La poule élite de fédérale 1 avait vu le jour en 2016. Mais des onze clubs participants alors, seuls 3 étaient encore éligibles à la Pro D2 quelques mois plus tard. La DNACG avait en effet verbalisé ceux qui présentaient des bilans et des écritures comptables non conformes pour mettre les deux pieds dans le monde pro. Pire, certains étaient contraints de mettre la clé sous la porte du club house, comme Strasbourg, Saint-Nazaire, Auch ou Limoges. Et si ces deux derniers clubs ont rebondi depuis pour retrouver la fédérale 1, à la sueur de leurs fronts populaires, il n’est pas d’actualité pour eux de postuler au gratin du niveau… pour le moment, de peur d’imploser à nouveau. Car le problème identifié depuis longtemps reste le même : il y a trop d’écarts financiers et sportifs entre les membres de cette fédérale 1 décidément trop déséquilibrée.
Personne n’a envie de revivre le fiasco de cette poule élite avec des équipes privées de phases finales et donc de montée, dès le mois de janvier. Souvenons-nous tout de même que Nevers et Massy en 2017, puis Bourg-en-Bresse et Aix-en-Provence en 2018 étaient les heureux élus autorisés rejoindre le club fermé des… clubs professionnels. Enfin, reconnus comme tels sur le terrain et pas (que) seulement pour leur pouvoir financier. Car soyons clairs, il en faut des sous pour être pro ! Merci M. de la Palisse. Quand vous opposez un promu de fédérale 2 qui culmine à 400 ou 500 000€ de budget, à un club semi-pro, voire pro, avec un compte en banque proche des 3 ou 4 millions, le pot de terre explose tôt ou tard face à celui de fer. Et si l’on aime à raconter de belles histoires entre le petit poucet qui bouscule l’ogre, reconnaissons que les cas de non respect de la hiérarchie sont rares. Saint-Sulpice sur Lèze et Mauléon ont endossé les costumes de poil à gratter de service cette année, mais sur la durée, l’écart de points au classement parle de lui-même (30 points environ).
L’idée d’intercaler un niveau entre la Pro D2 et la fédérale 1 semble donc logique. D’autant plus que ce serait autrement plus préparatoire à une éventuelle montée, au niveau administratif, comptable et sportif. Les clubs ainsi approchés par la FFR pour postuler à ce niveau national ont répondu favorablement en grande majorité. Massy, Dijon, Suresnes, Bourg-en-Bresse, Narbonne, Nice, Aubenas, Bourgoin, Albi, Blagnac, Cognac-Saint Jean d’Angely, Dax… et même Tarbes, qui n’est pas pourtant pas dans une situation des plus stable à ce jour, ont donné leur feu vert. Saint-Jean de Luz en revanche, n’a pas donné suite. Les gros bras de l’entre deux mondes pourraient en découdre chaque weekend, attirant la foule des grands jours, favorisant la billetterie, les partenariats, et la visibilité auprès des médias friands de chocs en stock. Les droits télé avec la chaîne l’Equipe arrivant à échéance en 2021, bel hasard.
De cette vision idyllique, il faut y apporter une clairvoyance financière, car les coûts seront plus élevés, ne serait-ce que pour les déplacements, et pour renforcer les effectifs. De par la conjoncture actuelle, qui supportera ce surplus de dépenses ? La LNR et le FFR seraient prêtes à s’entendre sur ce sujet. Car oui, sur le pré aussi, les « cous » ne seront pas les mêmes. Ceux des premières lignes expérimentées par exemple, rompus aux mêlées poussées à 100%, travaillées quotidiennement, ils seront plus gros que ceux qui sont sur le joug le mardi et le vendredi soir seulement. Alors oui, ce niveau « national », dont on voit mal comment il pourrait s’appeler Pro D3 (trop marqué LNR), a du bon. Il deviendrait l’antichambre de la Pro D2, le laboratoire expérimental mais aux normes FFR, pour lancer des jeunes issus de la formation française. Oh, pas de naïveté hâtive, rien n’empêchera la course à l’armement étranger, mais nul doute que les robinets d’euros coulants moins forts, la formation restera le principale fonds de soutien monétaire et sportif pour tous les clubs qui visent plus haut, plus loin, plus longtemps.
Certains crieront (et crient déjà) au scandale financier, en argumentant que seuls les clubs riches postulent au professionnalisme. Pas faux, puisque seuls les clubs qui ont de l’argent ont l’envie de goûter à l’échelon ultime, de se frotter à ce qu’il se fait de mieux. Après tout, au tennis, un joueur classé 15 a envie de jouer contre des gars de son niveau pour progresser et marquer des points. Et même s’il doit faire le job contre un classé 30, il n’en tire aucun bénéfice. Et puis, de vous à nous, retrouver une fédérale 1 qui soit le véritable plus haut niveau amateur, qui soit un vrai championnat entre équipes aux mêmes moteurs, aux mêmes carrosseries ou presque, ça a de la gueule non ?
Lavaur a été champion de France de Fédérale 1 en 2018… mais pas de la poule élite. Là, le futur champion de France de fédérale 1 sera sacré meilleur club amateur de France, sans discussion possible. Laissant aux grosses écuries le soin de batailler pour trouver un accès à la Pro D2. Leur laissant le soin aussi de gérer leurs contrats pros, avec de vrais salaires ou bien de faire de ces joueurs des « smicards du rugby » comme le disait Joël Castany, président de Leucate, solide équipe de fédérale 2… qui a demandée à descendre en fédérale 3 pour ne pas imploser. Quand la raison prend le dessus sur la passion, soulignons-le. Mais pour ceux qui en ont les moyens, ce nouveau niveau ressemble bien à un train dans lequel il faudra monter en toute vitesse, car il pourrait ne passer qu’une fois… A moins qu’Albi ne veuille encore monter dans celui qui monte à la Pro D2 directement, les discussions sont toujours en cours. A tel point que la FFR n’annoncera pas les poules de fédérale 1 aujourd’hui comme prévu. Un signe supplémentaire qu’il se trame quelque chose de sérieux au niveau… national. un National géographic… ou presque. Réponse dans les prochains jours.
Bel article mais dans 4 ou 5 ans on parlera sans doute de « proD4 » pour les clubs « amateurs » aux alentours des 800.000 de budget et ainsi de suite. Il y y aura toujours une division charnière entre le monde 100% pro et le monde amateur (un peu marron), la F1 a 40 ou 48 remplissait se rôle avec ses joueurs pluri-actifs et ses pros. A 60 équipes on fait entrer des clubs avec des gars de niveau un peu inférieur car sinon ils seraient déjà en F1 qui ne toucheront que la prime de match en plus des IK (gaffe a l’URSSAF plus pointilleuse qu’en Fed2) face a des joueurs qui au départ dans la majorité des cas étaient déjà meilleurs et qui de plus s’entrainent au quotidien….l’erreur est surtout là !