La situation que nous allons évoquer aujourd’hui touche bon nombre de clubs dans l’hexagone. Un exemple parmi tant d’autres qui résume bien les difficultés rencontrées par les clubs amateurs, pour assurer la survie et garantir l’avenir du rugby dans certains coins reculés et privés de ressources humaines et économiques. Entre les Monts de Lacaune et le Sidobre sont nichés Vabre et Brassac voisins, évoluant dans la poule 2 de 1ère série Occitanie. Deux clubs qui ont connu des hauts ces dernières années, et des bas ces derniers mois, puisque la descente de 1ère à 2ème série semble actée pour les deux formations séniors logées aux deux dernières places du classement. Du côté vabrais, cette situation n’affecte pourtant pas les joueurs, restés solidaires malgré la démission du bureau en fin d’année (comme en atteste leur défaite avec les honneurs contre le leader Lavelanet dimanche dernier 26-34). Une démission liée, non pas aux mauvais résultats sportifs donc, mais bien à l’idée d’une fusion proposée par le voisin brassagais. Une « fusion » source de craintes pour les opposants, et d’espoir pour les partisans. Ces derniers ayant des arguments à faire valoir…
Le terrain taillé dans la roche de Vabre deviendra-t-il le terrain d’une entente ? (photo C. Fabriès)
Si l’on en croit les principaux concernés, à savoir les joueurs, ils seraient en très grande majorité favorables à une fusion. Nous avons donc sollicité Pierrick Girbas, entraîneur vabrais, qui raconte : « Le premier contact s’est très bien passé, les dirigeants et entraîneurs des deux camps ont échangé sur cette idée. Sans aller plus loin. Quelques temps plus tard, le bureau de Vabre a décidé d’organiser un vote pour ouvrir les discussions, plus sérieusement. Il y a eu 70% de votes pour le oui. Ceux qui étaient contre ont manifesté leur mécontentement, et ont décidé de démissionner. » A l’heure actuelle, le CAV n’a donc plus de bureau directeur !
Mais Pierrick Girbas insiste sur un point essentiel : « La situation est compliquée, c’est certain, mais l’état d’esprit des joueurs est remarquable, ils sont irréprochables, car je pense que plus d’un club aurait implosé dans notre situation. » Un mérite d’autant plus louable que les deux équipes, réserve et fanion, restent debout dans la tempête. « C’est un plaisir d’entraîner ces mecs, ils montrent l’exemple à tout un village ! » poursuit le coach qui ne tarit pas d’éloges pour son groupe, et ne cache pas sa position favorable à une fusion, qu’il argumente: « D’abord parce que les deux villages sont séparés de 10km seulement, donc en terme d’organisation, c’est simple. Ensuite, je crois au potentiel sportif des effectifs en place, ce qui permettrait de faire deux équipes compétitives, et de jouer à un niveau plus élevé peut être. Aussi, cela permettrait de présenter une équipe dans chaque catégorie d’âge, avec une école de rugby autonome, une équipe cadets, juniors, féminine , sans oublier les vétérans. »
« Tous les joueurs de Vabre et de Brassac se connaissent, et veulent jouer ensemble. »
Nous avons donc sollicité un autre avis, du côté de Brassac cette fois, celui d’Hugo Diez, joueur connu et reconnu pour son implication : « C’est très sérieux oui, et vital même pour notre montagne ». Victime d’une rupture des ligaments croisés, Hugo a fini sa saison depuis plusieurs semaines déjà, mais il reste plus que jamais motivé pour aider à bâtir ce projet de fusion, notamment au niveau du sponsoring et des équipements en attendant de rechausser les crampons en septembre : « Tous les joueurs de Vabre et de Brassac se connaissent, et veulent jouer ensemble. L’idée est de créer un seul club, structuré, avec des objectifs clairs, comme celui de remonter en première série et d’avoir du monde aux entraînements. On a eu quelques soucis avec des dirigeants qui ne voulaient pas du tout aller dans cette direction, mais ils se sont rétractés, on va donc attaquer les réunions pour que ce projet devienne réalité. Nous n’en sommes qu’au début, rien n’est officiel. On va y aller pas à pas, avoir une vue d’ensemble, pour toutes les catégories. Ce sera « pla poulit » comme on dit ». Comprenez ce sera joli !
Des clubs situés dans des zones démographiques et économiques plus favorables éprouvent déjà des difficultés à maintenir la cap, on imagine donc aisément ce qu’il peut advenir de villages excentrés pour ne pas penser à se soutenir, et donc in fine, à fusionner. « Je ne le vois pas comme deux clubs qui fusionnent » rétorque Hugo Diez, « mais plutôt comme la création d’un seul club, regroupant toute notre vallée, qui maintiendra et favorisera un vrai lien social. Tous les mecs qui jouent bossent dans le bois, le granit, la charcuterie, bref, toutes les filières de notre région. Ce serait d’ailleurs bien de trouver un autre nom que « Entente Brassac-Vabre ». L’appel est lancé !
Au-delà de l’appellation, symbolique mais importante, Pierrick Girbas est sur la même longueur d’ondes : « Bien sûr que je suis conscient que cela ferait disparaître deux entités historiques dans notre montagne, mais ce qu’il ne faut pas perdre de vue c’est que Vabre et Brassac seraient unis sous les mêmes couleurs et les deux villages pourront encore profiter du rugby. Ce qui n’est pas garanti si chacun reste dans son coin. »
Le salut du rugby dans certains coins isolés de France est déjà passé par des ententes. Ce n’est pas nouveau, et semble même inéluctable parfois. Beaucoup d’équipes séniors et même de clubs sont restés sur le carreau ces dernières saisons. Alors plutôt que de sombrer dans un pessimisme et fatalisme plus aisés, sachons apprécier les efforts de quelques passionnés qui oeuvrent pour la survie du rugby amateur dans les territoires reculés. La fusion entre Vabre et Brassac en est un exemple parmi tant d’autres. Bon courage messieurs !
Il est indéniable que l’avenir du rugby dans nos campagnes passera par des rassemblements de clubs. Avec la concurrence des autres sports, avec les difficultés humaines (mais aussi financières) que rencontrent presque tous les clubs, l’avenir est là. Les plus anciens reprocheront l’absence d’esprit de clocher, mais existe-t-il réélement encore aujourd’hui ?
Il est indéniable que l’avenir du rugby dans nos campagnes passera par des rassemblements de clubs. Avec la concurrence des autres sports, avec les difficultés humaines (mais aussi financières) que rencontrent presque tous les clubs, l’avenir est là. Les plus anciens reprocheront l’absence d’esprit de clocher, mais existe-t-il réélement encore aujourd’hui ?