Gasmi Kouider (sélectionneur Maroc) : « Remettre les Lions de l’Atlas à la place qu’ils méritent »

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Après quatre années de suspension dictées par World Rugby, le Maroc a pu (enfin) retrouver les chemins de la compétition cette saison. Autour d’un projet ultra professionnalisé, les Lions de l’Atlas se reconstruisent pas à pas, grâce notamment au bouche-à-oreille. Les premiers bons résultats ne se sont pas fait attendre : les voilà, déjà, à deux rencontres de se qualifier pour le prochain mondial en Australie… Entretien avec le sélectionneur Gasmi Kouider, l’un des grands artisans de ce renouveau… (Par Loulou / Photos Fédération Royale Marocaine de Rugby)

La reconquête des Lions de l'Atlas remettre le Maroc à sa place
Le Maroc redore ses couleurs

Le Maroc suspendu par World Rugby : une génération sacrifiée

En mars 2020, le rugby marocain était plongé dans une crise sans précédent. World Rugby condamnait lourdement la Fédération royale marocaine (FRMR), en l’excluant pour 5 ans de toutes compétitions officielles. Les instances internationales reprochaient notamment au Maroc de ne pas avoir suffisamment communiqué sur son assemblée générale élective et de ne pas avoir respecté les règles en vigueur (le président sortant, Tahar Boujouala, arrivait à la fin de son second mandat de 4 ans et n’était pas autorisé à se représenter pour un troisième).

Malgré les sommations de World Rugby, la FRMR tardait à organiser son élection et l’irrémédiable sanction tombait. Un coup d’arrêt pour une sélection qui ambitionnait à ce moment-là le Mondial en France, mais surtout, pour le développement du ballon ovale au sein du Royaume. En octobre 2023, la condamnation était levée, mais ce n’est finalement qu’en mai 2024 que le Maroc se voit officiellement réintégré comme membre à part entière par le Comité Exécutif de Rugby Afrique. La fin d’une interminable traversée du désert, une éternité après le dernier match officiel.

La reconquête des Lions de l'Atlas remettre le Maroc à sa place
Les Lions de l’Atlas ont pu reprendre leur envol

Quelques mois plus tôt, Hicham Oubaja avait été élu président de la Fédération royale marocaine de rugby (mai 2023). L’heure était à la reconstruction : « On repart de zéro, mais l’enthousiasme est là », narrait plein d’optimisme le nouveau patron du rugby marocain. Dans son immense chantier, il nommait Gasmi Kouider, déjà membre du staff avant que la sanction ne tombe, en tant que sélectionneur principal. Ce dernier nous a ouvert les portes de cette reconstruction, d’un premier stage à Agen jusqu’à cette récente victoire face à la Tunisie en finale du Tournoi B, qui propulsa les Lions de l’Atlas en quart de finale de Coupe d’Afrique cet été face au Zimbabwe, le tout en moins d’un an…

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Gasmi Kouider (sélectionneur Maroc) : "Remettre les Lions de l'Atlas à la place qu'ils méritent"
Le sélectionneur Gasmi Kouider répond à nos questions

Gasmi Kouider, pouvez-vous retracer votre parcours d’entraîneur avant votre arrivée à la tête de la sélection marocaine ? 

J’ai entraîné à Annemasse à l’US Pays de Gex durant 7 saisons, passant de la 2ᵉ série à la Fédérale 3. J’ai ensuite effectué un court passage au RC Môle, avant d’être appelé pour réintégrer le staff de la sélection marocaine en étant nommé entraîneur principal en décembre 2023. J’étais déjà passé par le staff marocain en tant qu’entraîneur adjoint en 2017. On avait remporté le tournoi africain B et on avait déjà pu participer aux éliminatoires de la Coupe du Monde.

Dans quel état était le rugby marocain, suspendu 5 ans de toute compétition, au moment de votre retour ? 

C’était un sacré chantier… Une période très, très dure, pour le staff, pour les joueurs, et pour tout le rugby marocain. Il y a une génération qui est partie, on a perdu 4 ans et demi. Il a fallu tout reconstruire. C’était primordial de remettre le Maroc sur la scène internationale.

Quelle fut la première pierre posée de l’édifice ?

J’ai organisé un premier stage à Agen en juin 2024 avec plus de 70 joueurs, puis un deuxième en septembre avec 40 joueurs, avant de sortir un groupe de 28 en novembre pour la Coupe d’Afrique. J’ai activé mon réseau en invitant beaucoup de joueurs à venir essayer, le mot s’est passé et tout le monde a vu que le Maroc rebondissait petit à petit. C’était important de retrouver la confiance des bi-nationaux tout en conservant une identité autour de la culture marocaine. Le bouche-à-oreille a fonctionné tout seul, les gars se sont manifestés d’eux-mêmes au fur et à mesure pour rejoindre le groupe car ils avaient ce désir de jouer pour leur nation.

La reconquête des Lions de l'Atlas remettre le Maroc à sa place
Le Maroc a pu retrouver le chemin de la compétition, après une très longue attente…

À quoi ressemble le groupe des Lions de l’Atlas aujourd’hui ?

98 % des joueurs de la sélection jouent en France, les autres sont issus du championnat marocain. J’aime toujours prendre dans le groupe des joueurs du championnat local. Alors oui, ils ont intrinsèquement moins de qualité physique, car ils ont moins d’entraînements, mais c’est primordial de les avoir avec nous pour unifier tout le monde. Et puis, ça leur permet aussi de progresser.

La reconquête des Lions de l'Atlas remettre le Maroc à sa place
Les couleurs marocaines réapparaissent dans le paysage de l’ovalie

« On voulait mettre la barre haute, que les joueurs voient que le projet était très sérieux. »

Comment fédérer ce nouveau groupe autour de cette idée de reconquête ?

Avec un projet durable et sérieux. Ils ont rapidement adhéré à mon discours, avec des objectifs à court, moyen et long terme. On s’est appuyé sur un modèle anglo-saxon au niveau du staff. Il n’y a pas un manager attitré, seulement quelqu’un à la tête qui s’occupe de tout le plan de jeu sportif et, autour, j’ai nommé des entraîneurs adjoints spécifiques. Ça permet d’avoir un staff équilibré et structuré et c’est aussi ça qui a convaincu les joueurs pros. Ça a fait effet boule de neige et de plus en plus de personnes se sont ajoutées au projet, notamment Bernard Goutta qui intervient désormais sur l’aspect offensif.

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Bernard Goutta fait partie de l’aventure en distillant ses précieux conseils

Justement, comment se constitue ce nouveau staff ? 

On a un staff complet : entraineur des avants, des arrières, un intervenant défensif et offensif, des responsables performance avec deux préparateurs physiques, un coach mental, un staff médical, mais aussi un responsable média. Je voulais une structure solide, on a essayé de construire tout un organigramme pour montrer que le rugby marocain se développait, que c’était du sérieux.

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Une partie du staff ainsi que le président avec Abdelatif Benazzi, venu remettre les maillots aux joueurs

Et au niveau des infrastructures ? 

Une fois que l’on avait ce staff en place, il fallait que l’on trouve un complexe adéquat pour nous accueillir, ce que l’on a fait, en ralliant le Benslimane à Casablanca. J’aime bien appeler cet endroit le Marcoussis marocain. Il y a tout, salle de muscu, piscine, salle de fitness, de cardio, quatre terrains de grande qualité, des cuisines. On s’est implanté là-bas, c’est devenu notre quartier général. On voulait mettre la barre haute, que les joueurs voient ce que la sélection était capable de leur proposer, que le projet était très sérieux. Grâce au comité directeur, Hicham Oubaja, le président ainsi qu’à Adnan Azizi, le vice-président, et à Leila, on est dans les meilleures dispositions possibles.

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Les Lions de l’Atlas s’entrainent dans des conditions optimums sur un beau terrain synthétique.

Les bons résultats n’ont pas tardé à venir, avec cette récente victoire face à la Tunisie (26-12) en finale du tournoi de repêchage, et une qualification pour le tournoi A en Ouganda (du 10 au 21 juillet prochain) : Comment abordez-vous cette échéance ?

On voulait vite remettre le Maroc à sa place. Notre objectif était de rejoindre l’éliminatoire pour la prochaine Coupe du Monde, ce que l’on a réussi à faire. Maintenant, on est tous compétiteurs, on ne va pas aller en Ouganda en dilettante. On a 4 mois pour se préparer, on va essayer de faire un stage par mois, de faire quelques matchs amicaux et de tout donner face au Zimbabwe pour essayer d’entrevoir une première phase finale de Coupe du Monde. Depuis la victoire contre la Tunisie, d’autres joueurs de haut niveau ont souhaité étoffer le groupe, c’est de bon augure. C’est un privilège de pouvoir participer à ces éliminatoires. »

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Le président Hicham Oubaja, pionnier de cette reconquête, est mis en valeur par ses joueurs

Après avoir dominé le Botswana (64-0), puis Madagascar (53-37) en phase de poules, le Maroc est venu à bout de son voisin de la Tunisie en finale et accède donc aux quarts de finale de la Coupe d’Afrique face aux toutes meilleures Nations du continent. Le vainqueur de la compétition se verra décerner un ticket pour le prochaine Mondial en 2027 en Australie, et le finaliste déchu jouera un barrage pour accéder à un ultime tournoi de qualification.


Le groupe qui a défié la Tunisie

15. Tirefort (Graulhet)
14. Hou (La Valette)
13. El Khaoulani (Prades)
12.El Kadri (Maisons-Laffitte)
11. Qadiri (Oyonnax)
10. (o) Achahbar (Bédarides)
9. (m) El Khattabi (Rouen)
8. El Gharbaoui (Gruissan)
7. Aït Naceur (Bourg)
6. Fadli (Carcassonne)
5. Lahalali (Cahors)
4. Jnaoui (Prades)
3. Akkaoui (Servette Genève)
2. El Bibouji (Agen)
1. El Youmouri (Auch)

Remplaçants : Haimiche (Céret), Loukia (Narbonne), Aanikid (La Seyne), Terki (Chartres), A. Boukanoucha (Bellegarde), Bachiri (Suresnes), Touzini (Agde) et J. Boukanoucha (Figeac)

La reconquête des Lions de l'Atlas remettre le Maroc à sa place
Le rugby marocain a de nouveaux objectifs en vue
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