Christian Dullin, annoncé comme futur président délégué (à tort comme il nous le confirme dans cet entretien exclusif), a souhaité s’exprimer plus en détails sur la période compliquée que traverse l’instance nationale du rugby français. Une situation rendue explosive suite à des échanges tendus sur les réseaux sociaux. Le secrétaire général de la Fédération Française de Rugby évoque donc sans détours ces tensions récurrentes, la nomination du futur président-délégué et le bras de fer avec Florian Grill…
Le groupe d’opposition Ovale Ensemble a fait savoir son mécontentement, voire son indignation, face à la nomination d’un président délégué de la FFR qui sera élu ce vendredi. Quel est votre avis sur la question ?
Christian Dullin : « Mon avis est celui d’un secrétaire général légaliste. Les messages à profusion distillés depuis deux mois par Ovale Ensemble permettent de voir clair dans leur jeu. Dans un premier temps, ils ont demandé des élections générales, ce qui ressemblait plus à un putsch démocratique. La Ministre des Sports n’a pas suivi, ni le Comité d’éthique, nous sommes donc justement dans un process validé par la Ministre des Sports de nommer un président délégué.
« Un président délégué nommé par un président condamné » pour reprendre les propos de Florian Grill…
Nous sommes irréprochables au niveau des textes. Florian Grill n’est pas aussi intéressé par l’apaisement général qu’il le prétend. Il se présente comme le gendre idéal, mais ne rêve que d’une chose : être président de la FFR. Le 22 décembre dernier, il était d’accord avec nous, 15 jours plus tard, il en appelle à une forme de rébellion contre nous.
Il en appelle surtout à des élections…
L’opposition a beau jeu de vouloir de nouvelles élections, en critiquant tout notre travail depuis 2016. Mais je me permets ici de rappeler ce que notre gouvernance a apporté : le vote électronique pour les clubs, une meilleure démocratie, plus d’éthique en réactivant la Commission d’éthique justement, qui fonctionne en toute indépendance. Nous avons aussi voté la limitation des mandats, créé 165 postes de CTC, aidé les clubs amateurs, évité à la FFR de déposer le bilan avec le projet du grand stade qui aurait coulé le rugby français.
Aujourd’hui, la situation financière de la FFR est très bonne, les équipes de France ont toutes de très bons résultats, ce qui n’était pas pas le cas quand nous sommes arrivés en 2016. Tout n’est peut-être pas parfait, mais nous sommes fiers de notre travail et de notre bilan. Qu’a fait Florian Grill pour le rugby de son côté ? Son bilan est déficitaire avec la Ligue Ile de France, qui enregistre la plus faible évolution évolution de licenciés dans une Ligue forte de notre pays pourtant. Il ne faut pas avoir la mémoire courte et sélective.
« Quand on monte à un arbre, il faut avoir le cul propre »
Hors de question de procéder à de nouvelles élections donc ?
On applique un règlement, c’est tout, et en toute légitimité. On avance avec le Ministère des Sports en suivant ces préconisations. Rien à ajouter, si ce n’est qu’un bureau fédéral aura lieu ce vendredi 5 janvier, pour valider le président délégué.
On lit ici ou là que vous seriez un candidat possible ?
Comme quoi, certains médias ne maîtrisent pas leur sujet, ou préfèrent écrire des bêtises au lieu de se renseigner. Pour être désigné Président Délégué, il faut être vice président. Je suis secrétaire général, et très heureux de l’être. Donc je ne serai pas le président délégué que certains de vos confrères ont vu en moi.*
Comprenez-vous que l’opposition pointe du doigt un président condamné qui nomme lui-même son « remplaçant »…
Notre président est présumé innocent jusqu’à nouvel ordre et jusqu’à l’appel que je sache.
En France oui, mais pas dans les autres pays du rugby, comme en Angleterre…
Je ne suis pas certain que les Anglais soient en mesure de nous donner des leçons. Mais si la loi est différente en France, il faut peut être s’en réjouir. La présomption d’innocence existe bel et bien, le problème aujourd’hui, est que la présomption de culpabilité prédomine, et c’est à l’accusé de prouver son innocence. C’est un effet pervers renforcé par les réseaux sociaux. Ce n’est pas propre au sport, c’est sociétal, les réseaux sociaux sont devenus de véritables tribunaux populaires.
On parle beaucoup de légitimité et d’éthique depuis quelques semaines. Bernard Laporte aurait une belle occasion de vérifier que les 51% des voix en sa faveur lors de la dernière élection présidentielle de la FFR sont toujours d’actualité. Ce qui permettrait d’avoir aussi plus de certitudes, plus de crédibilité et de retrouver un certain apaisement aussi ?
Il faut rétablir les choses, on parle d’éthique et d’humilité, d’accord. Restons humbles face à certaines accusations, sur la notion de trafic d’influence, de prise d’intérêt. Notre société est ainsi faite, tout le monde veut laver plus blanc que blanc. Comme le disait ma grand-mère, « Quand on monte à un arbre, il faut avoir le cul propre. » Que chacun y pense. Parler d’éthique impose donc que ce ne soit pas à géométrie variable. Même si ce n’est pas fait sciemment, on peut commettre des erreurs et finir devant un tribunal. Je ne justifie pas, mais je dis juste de faire attention, de rester humble, et de ne pas avoir une mémoire sélective.
Christian Dullin appelle à ce que chacun retrouve ses esprits
Florian Grill est clairement dans votre viseur…
Personnellement, l’éthique, j’essaye de m’y tenir. Mais il faut que l’on m’explique comment et pourquoi Florian Grill a soutenu Jean-Louis Boujon en 2016 alors que ce monsieur avait été condamné à quinze mois de prison avec sursis et 30.000 euros d’amende pour avoir détourné des subventions destinées à l’UNSS (voir les détails dans cet article). Est-ce donc ce même Florian Grill qui parle d’éthique depuis plusieurs semaines ? Sait-il qu’une Fédération ne se gère pas sur Facebook ? Que chacun retrouve ses esprits et œuvre pour le bien du rugby français. Cette année 2023 est si importante…
*Les Vice-présidents qui peuvent être désignés Présidents Délégués sont Patrick Buisson (en charge du rugby amateur), Laetitia Geninatti (en charge des solidarités), Henri Mondino (en charge des territoires et de la proximité), Alain Doucet (en charge du développement), Brigitte Jougla (en charge du rugby féminin et de la féminisation), Marie-Pierre Pagès (en charge de la DNACG, accompagnement) et Serge Simon.