En ce dimanche 30 juin 2024, la basse Ariège n’a jamais été aussi haute dans les coeurs du département, et bien sûr, de tous les Saverdunois, venus en masse à Mazamet, lieu de la grande finale du championnat de France de Fédérale 3, face à Servian-Boujan. Une dernière levée 2024 qui a livrée son verdict dans les ultimes secondes des prolongations, et un nouveau scénario hitchcockien pour les supporters des Rouge et Noir, mais avec au bout, une joie immense.
Et évidemment, au moins une détresse équivalente pour le club héraultais, qui aurait tout aussi bien pu rentrer avec le bouclier. Mais les fameux détails qui font la différence ont basculé du côté de l’UAS, vainqueur de son huitième planchot national, en autant de finales… (par J. Lomu, photos Christophe Fabriès, Pascal Villalba et Chris Farmer – RugbyAmateur)
Ciel bas et nuages gris, mais météo clémente, les conditions étaient bonnes au stade de la Chevalière de Mazamet. Les supporters des deux camps, très nombreux, prenaient place quand les deux équipes humaient la parfaite pelouse tarnaise. Un accrochage lors de cette reconnaissance provoquait un regain de tension, qui pouvait laisser craindre le pire pour la suite. Il n’en sera rien, et finalement, cet « incident » aura sans doute servi à prévenir, plus qu’à guérir. Le match pouvait débuter, à 15h15 au lieu de 15h, à cause de cette foule immense qui tardait à prendre place.
Vous l’aurez compris, tous les ingrédients étaient réunis, l’engagement des deux équipes sera total, et les rebondissements incessants. A commencer par le coup d’envoi, et cette première pénalité offerte à l’artilleur héraultais Camacho, réputé très régulier et auteur de phases finales quasi parfaites. Mais sa première tentative passe pourtant à côté. La charnière de l’entente Servian-Boujan montre aussi quelques signes de stress, entre une chandelle directe en touche et une transmission de passe assez hasardeuse.
A l’inverse, l’UAS joue sans complexe, avec une percée plein axe du véloce centre Bézard, qui trouve le soutien de son troisième ligne aile Armengaud, repris à quelques mètres de la ligne d’en but, mais il peut offrir le ballon à Medhi Tami qui marque. L’essai est transformé par Axel Charrié, le jeune ouvreur ariégeois de 19 ans (7-0, 7ème). Servian, fébrile, parle trop au goût de M. l’arbitre qui retourne une pénalité. Mais quelques instants plus tard, une action longue durée, faite d’alternance, envoie le pilier Marc à l’essai, transformé par la patte gauche de Camacho (7-7, 15ème).
Le match des Héraultais est lancé, la troisième ligne aussi (Pendariès, Munoz et Landron font parler leur puissance), et la charnière Arcas-Cabrol prend le jeu à son compte aussi. Les Rouge sont dans un temps fort, ils vont derrière la ligne adverse, sans pouvoir aplatir. Sur le renvoi d’en but, Landron encore lui, remonte le ballon avec à propos. L’action rebondit, comme son ouvreur sur la défense, victime d’un plaquage illicite. Pénalité au pied des perches, et double peine pour Saverdun : Lacoste entré à la place de Lledos quelques minutes plus tôt, écope d’un carton blanc et voit Camacho enquiller trois points de plus (7-10, 25ème).
Saverdun réagit par son pilier Warnet, qui tel Antoine Dupont, sort d’un maul petit côté, tente un coup de pied par dessus, mais bien couvert par Camacho. Le dernier tiers de ce premier acte confirme les intentions de jeu de part et d’autre, même si le score restera figé à 7-10 jusqu’à la pause, notamment à cause de plusieurs en-avant.
Au coude à coude jusqu’à la 80ème, et plus encore…
Le début de la deuxième mi-temps est à l’avantage de Saverdun, qui enchaîne les pénaltouches. Servian fait le dos rond mais enchaîne… les fautes. Jusqu’à celle de trop qui oblige M. l’arbitre à sortir un carton blanc contre le pilier remplaçant Discourt. La supériorité numérique est exploitée sur l’action suivante, avec une bonne conquête encore, suivie d’un grand côté initié par Charrié, qui envoie Maxime Alasset défier son vis-à-vis en bout d’aile, et remporter son duel. Essai, non transformé (12-10, 48ème).
Après une première vague de changements, Camacho redonne l’avantage aux siens sur une pénalité en bonne position (12-13, 53ème). Ce dernier en rate une dans la foulée, mais à sa décharge, elle était à 45 mètres. A l’heure de jeu, Saverdun se rebiffe sur une pénaltouche suivie d’un ballon bien porté, qui avance inexorablement, stoppé illicitement, et sanctionné d’un essai de pénalité (19-13). Pas le temps de respirer, Camacho se voit offrir deux pénalités, que son pied gauche convertit avec brio (19-19).
On approche la 70ème minute, et l’UAS reprend l’avantage (22-19), mais se met à la faute sur le renvoi. Des 45 mètres, Camacho prend une nouvelle fois sa chance, mais assomme les taupes. Saverdun ne rend aucun ballon au pied et touche les ailes dès que l’occasion se présente. Cependant, à trop vouloir jouer, l’UAS se met encore à la faute dans son camp. A 40 mètres sur le côté, Camacho montre son sang froid et passe la pénalité de l’égalisation (22-22, 77ème).
La dernière action du temps règlementaire est à l’image des 79 premières minutes, à savoir des intentions, de l’intensité, du défi, du courage, des gros plaquages. Servian-Boujan balaye le terrain sur toute la largeur, espère une faute adverse, qui n’arrivera pas. Au contraire, Saverdun gratte le ballon, tape en touche : place aux prolongations !
Au bord du K.O…
L’intensité de cette finale affecte aussi M. l’arbitre qui se fait strapper la cuisse, avant de siffler le début de ces deux fois dix minutes. Et quelle entame des deux équipes, qui donnent tout. L’UAS en tête, trouve la faille dès la troisième minute par Lucas Beyzin. Ce bel essai n’est pas transformé (27-22). Servian a aussi de la ressource. Ballon capté sur le renvoi et début d’une longue possession, à grands renforts de percussions, et de variation dans les offensives, les Héraultais sont impressionnants de volonté.
Mais Saverdun, plus solidaire que jamais, sort les barbelés. Le SBR insiste encore plus, au près, au large, et finit par trouver l’ouverture après une action de plus de trois minutes. Essai, transformé, 27-29, c’est la mi-temps de ces prolongations irrespirables.
Coup d’envoi de la dernière période de ce match fou, Saverdun obtient rapidement une pénalité. Axel Charrié la tente des 40 mètres, mais son ballon, freiné par un léger vent de face, est un peu trop court. Saverdun remet la main sur le ballon, et bénéficie d’une nouvelle pénalité « grâce » à une faute largement évitable (une mise au sol d’un joueur qui ne faisait plus action de jeu). Bastien Séguéla, n° 22 dans le dos, buteur en second, ne tremble pas et passe les trois points. 30-29, il reste quatre minutes à jouer.
Les joueurs souffrent, certains ont des crampes, grimacent de douleur, mais serrent les dents. Servian sonne la charge avec son tonitruant n°8 Munoz, qui rapporte une pénalité à 50 mètres. Trop loin pour la tenter, alors direction la touche. Le ballon est bien capté, l’offensive héraultaise se prépare, mais cette dernière cartouche est contrariée par un nouveau grattage, après un contre ruck plein de rage.
L’UAS tient sa victoire, l’arbitre siffle la fin des illusions de Servian, et du stress pour Saverdun, qui remporte le titre. Le 8ème de son histoire. Les étreintes sont puissantes, les yeux plein de larmes, les regards parlent plus que des mots qui ne viennent pas forcément. Les seuls que l’on entend sont « magique » ou « énorme » pour les Ariégeois, et « déception » ou frustration » pour les Héraultais. Il n’y avait qu’à voir l’émotion et les yeux rougis de Pierre Sieurac, le jeune co-président de l’UAS, champion de France avec la « B »chamel, qui raccroché les crampons en mars denier, mais qui vient une nouvelle fois de décrocher la lune…
L’on se permettra juste de dire à tous, qu’ils ont été à la hauteur de cet évènement, et rendu cette finale inoubliable. Lara Blasquez, la jeune animatrice au micro, a elle aussi, par son sourire et ces rappels des consignes, contribué à rendre le public, joyeux, et complice, sans débordement, aucun. Une belle fête du rugby donc, avec un gagnant et un perdant bien sûr, mais dont le rugby amateur est sorti grandi…
Réactions
Yannick Idrac (entraîneur Saverdun) :
Benoit Tessarotto (entraîneur Saverdun) : Beaucoup de joie, d’allégresse, de folie, ce match n’en finissait jamais, il s’est joué à peu de choses. Le mot d’ordre avant de commencer les prolongations, c’était d’arrêter de leur donner le ballon. J’avais été champion avec Saverdun en cadets, je touche du bois aujourd’hui encore, après les deux titres avec Saint-Girons, la boucle est bouclée (rires). Je suis arrivé dans le club en début d’année, j’ai essayé d’apporter ma patte comme on dit, mais de là à imaginer une telle issue… C’est beau !
Adrien Aguiléra (entraîneur Servian): Perdre en finale, d’un point, c’est une frustration terrible. Je disais aux joueurs à la mi-temps qu’il ne faudrait pas regretter tout ce qu’on a pas su concrétiser. On est tombés sur une belle équipe, qui ne lâche rien. On a été défaillants en mêlée, on en perd trois d’affilée en fin de match, ce sont ces détails qui font la différence. On a vu une belle finale il me semble, entre deux belles équipes, et celle qui a été la plus efficace a gagné.
Franck Da Costa (Talonneur Saverdun) : Personne ne s’attendait à ce qu’on devienne champions, pas même nous les joueurs il y a encore quelques semaines. Mais maintenant, on s’en fout, on est champions de France (rires). C’est génial pour ce groupe exceptionnel, tout le monde le mérite. Ca fait cliché de le dire, mais on est une bande d’amis, on a des valeurs rares, c’est ça qui compte et qui fait la différence peut-être. En plus d’avoir des supporters qui eux aussi, sont exceptionnels.
Quentin Camacho (arrière Servian-Boujan) : On n’imaginait pas perdre en finale. On a beaucoup de regrets, car on avait sorti deux gros matchs en quart et en demi, mais là, on a pas joué notre meilleur rugby. Pourquoi ? Difficile à dire, peut-être la pression. On manque de réalisme, on ne marque pas à cinq mètres de leur ligne, au final, ça fait des points qui manquent. C’est dur de perdre ainsi
Maxime Arcaz (demi de mêlée Servian-Boujan) : Déçu évidemment d’échouer à un point. On gère mal notre supériorité numérique en première mi-temps, on ne score pas. A l’inverse, Saverdun s’est montré très efficace, ils viennent deux fois chez nous, ils marquent deux essais, on court après le score. On revient au mental, on a même la balle de match à la fin du temps règlementaire, qu’on négocie mal. On court à nouveau après le score pendant les prolongations, on revient encore, mais on fait une faute débile qui leur permet de l’emporter. On s’était promis d’arriver en finale, mais on n’a pas la fin que l’on voulait. On regarde les autres soulever le bouclier. On retiendra la montée malgré tout.
Mathias Lledos, avec son papa (3ème ligne centre Saverdun) :
Thibault Pendariès (troisième ligne aile Servian) : C’était du 50-50, bravo à Saverdun, une belle équipe. On dit qu’une finale se joue à des détails, ça s’est vérifié : une pénalité réussie d’un côté, ratée de l’autre, un ballon porté, un en avant. C’est dur à avaler mais c’est la vie, c’est le sport, c’est le rugby, malgré tout, on fait une grosse saison avec un groupe énorme. Mais tout joueur de rugby, quelque soit le niveau rêve de devenir champion de France, on y était proche, on sera juste vice-champions, c’est comme ça.
Benoit Cailloux (3ème ligne Saverdun) : C’est qui me vient à l’esprit en premier, c’est cette bande de potes, qui a su relever tous les défis proposés, pour en arriver à soulever le bouclier, c’est incroyable… d’ailleurs j’ai du mal à la croire (rires). Saverdun a été le petit poucet sur chaque match, jamais favori, mais ce club est unique, ce village est une grande famille, on s’est sentis poussés, soutenus comme jamais, c’est magique. Encore plus en gagnant avec des scénarios comme on les a vécus.
On est tombés sur une équipe de Servian magnifique, bien en place, qu’on a su contrer, c’était dur, mais ça rend la victoire encore plus belle. Je suis arrivé de Laroque dans ce club de l’UAS l’an dernier, en mettant un pied devant l’autre, qui est aussi un club très famille, où l’on se sent bien immédiatement. Mais là, j’ai vécu des moments très, très forts. Je ne pensais pas que le rugby pouvait créer des émotions aussi fortes, c’est juste magnifique.
Ronald Kemayou (pilier Saverdun) : le petit accrochage d’avant match nous a mis dans le bain, surtout moi, puisque j’ai reçu un coup de poing. J’ai entendu des mots aussi, c’est regrettable, mais on était conditionnés à ne pas répondre aux provocations, car on sait bien qu’on peut perdre un match sur une mauvaise réaction. Mais ce que je veux retenir, c’est le match, notre solidarité, car Servian est une grosse équipe, on a répondu présent, avec un groupe composé de jeunes de 18 ans et de moins jeunes comme moi. C’est une grosse émotion, monter et être champion de France, c’est beau.
Mehdi Tami (centre Saverdun) : Sensation bizarre. On nous disait en 32ème, imagine, vous arrivez en finale, vous êtes champions. Franchement, on y pense dans un coin de la tête, mais de là à y arriver. Et puis, on a franchi les tours, dans des matchs de folie, contre des grosses équipes, on remporte cette finale au bout des prolongations, je me retrouve avec cette médaille autour du cou… Franchement, j’ai du mal à réaliser je crois, mais que c’est beau. Notre phrase était « ni remords, ni regrets », on joue tous les ballons, et voilà le résultat. Dimanche prochain, on va pouvoir se reposer… avec le bouclier (rires)
Axel Charrié (demi d’ouverture Saverdun) : J’ai 19 ans, je viens de monter cette année en séniors, mais dans ce groupe, il n’y a aucune individualité, il n’y a qu’un collectif, quelque soit l’âge, l’expérience, on se soutient, et c’est sans doute le secret de notre succès. Personne ne nous attendait, et c’est normal, on a pris les matchs sans penser au suivant, surtout quand on voit comment on gagne. Mais on a pris confiance en nous, on a tout donné, et nous voilà champions. Pour moi, c’est juste magnifique, jouer une première année en séniors et être champions de France, je sais déjà que ce sera un de mes plus souvenirs de rugby.
Pierre Sieurac (co-président Saverdun) :
Frédéric Dedieu (président du Comité de l’Ariège) : Beaucoup de fierté pour ce club qui travaille beaucoup, notamment depuis cinq ans pour en arriver là, qui fait ce qu’il faut sur et en dehors du terrain, de l’école de rugby jusqu’en séniors, et cette victoire est une forme de consécration pour ce groupe oui, mais pour tout le club qui véhicule un très bel état d’esprit aussi. Et je tiens à souligner que cette finale, particulièrement disputée s’est jouée dans un très bon état d’esprit.
La feuille de match
A Mazamet, Saverdun bar Servian-Boujan 31-30 après prolongations
Arbitre de champ : M. Thibault Santamaria.
Arbitres assistants : MM. Alexis Darche et Frédéric Chazal.
Représentants fédéraux : MM. Stéphane Rozand et Philippe Sintes.
Délégués financiers : M. Michel Dolle et Mme. Annette Berbous.
Composition des équipes
U A SAVERDUNOISE :
1 : F. DA COSTA
2 : T. BIART
3 : D. WARNET
4 : T. DEGA
5 : T. GALY
6 : M. SENTENAC [Capitaine]
7 : L. ARMENGAUD
8 : M. LLEDOS
9 : L. ROUILLE
10 : A. CHARRIE
11 : S. MELESI
12 : M. TAMI BEREZIGUA
13 : L. BEZARD
14 : M. ALASSET
15 : S. BARBET
16 : A. LACOSTE
17 : R. KEMAYOU
18 : B. CAILLOUX
19 : A. LASSALLE
23 : J. IBANEZ
21 : L. BENEYTON
22 : B. SEGUELA
Entraineur : Y. IDRAC – Entraineur : B. TESSAROTTO
Soigneur : C. SOUILLE – Médecin : P. CALLEJA
Adj terrain : C. FONTAGNE
SERVIAN BOUJAN RUGBY :
1 : K. MARC
2 : T. TRINDADE (Capitaine)
3 : T. VANDYCKE
4 : D. LUMIERE
5 : R. AMIGO
6 : T. PENDARIES
7 : D. LANDRON
8 : N. MUNOZ
9 : M. ARCAS
10 : P. CABROL
11 : L. VIALA
12 : B. SAUMADE
13 : B. MOLINA
14 : L. LIRANZO
15 : Q. CAMACHO
16 : A. DISCOURT [1ère ligne]
17 : Y. BER [1ère ligne]
18 : A. COUSIEN
19 : G. SAUVANT
20 : L. ANTUNEZ
21 : L. PAU
22 : T. GARRIGUENC
Entraineur : A. AGUILERA – Entraineur : J. BOUSQUET
Adj terrain : A. ROCHET – Soigneur : A. FROMENT
Prépa. physique : T. ABRIAL
Champion des voyages de fin de saison aussi
Voyage de fin de saison : un Saverdun encore « Thaï » patron