Suite à notre article sur la colère du président de Penne Saint-Sylvestre, concernant l’absence d’arbitre pour son match de dimanche, Xavier Barbosa, responsable de la communication des arbitres pour le comité du Lot-et-Garonne, a tenu à réagir. L’occasion d’évoquer avec lui la situation plus générale de l’arbitrage dans le rugby amateur…
Droit de réponse
« Nous avons une quarantaine d’arbitres dans le Lot-et-Garonne. En début de saison, il manque encore certaines licences ou certificats, en plus des blessés et des indisponibilités à cause de la coupe du monde. Le week-end dernier était particulièrement chargé avec une vingtaine de rencontres sur le département. Mais même avec l’aide des comités limitrophes, nous n’avons pas réussi à tout assurer. Soyez bien conscient que les arbitres donnent tout, pour couvrir le maximum de matchs : par exemple, 8 collègues se sont dévoués pour diriger deux rencontres, un en a même fait trois. »
« Concernant le cas de Penne Saint-Sylvestre, il y avait bien un arbitre de prévu, mais il a été réquisitionné pour combler un manque en Fédérale. Il est bon de rappeler que, le niveau fédéral est prioritaire sur les divisions de la Ligue. Pour la répartition des arbitres restants, nous avons donc privilégié les clubs qui ont déjà un, c’est la règle. À ce niveau, chaque club doit fournir un arbitre, pour au moins 8 rencontres par an. Certes, j’ai entendu que l’ASPSS aurait un jeune volontaire pour arbitrer, je m’en réjouis, mais il n’y a rien d’officiel pour l’instant. Ils ne sont donc pas prioritaires, mais ne doivent pas pour autant se sentir lésés, ni ciblés. Tous les matchs des réserves, de la Régionale 1 à 3, étaient dans le même cas. Ceci étant dit, je peux déjà vous dire que nous manquerons encore d’arbitres ce week-end. »
Xavier Barbosa
Interview Xavier Barbosa
Le problème constaté le weekend dernier signifie-t-il qu’il y a une baisse du nombre d’arbitres dans le rugby amateur ?
« Oui, bien évidemment. Par exemple, il y a 21 ans, lorsque j’ai commencé à arbitrer, nous étions une quarantaine sur Agen. Aujourd’hui, c’est l’effectif de tout le département. Mais c’est simplement une conséquence de la chute du nombre de licenciés. A l’image des clubs qui manquent également de joueurs et de bénévoles. »
Mais au sein de ces licenciés, est-ce que les jeunes joueurs sont toujours autant attirés par l’arbitrage ?
Nous avons beaucoup de jeunes qui s’y mettent oui, même avant leurs 18 ans. Le souci, pour un département comme le nôtre, c’est qu’ils partent vite faire leurs études dans les grandes métropoles. Alors ils continuent d’arbitrer, et tant mieux, mais en fin de compte, on les forme, et ils servent ailleurs. »
La question se pose peut-être moins pour les arbitres plus « anciens » ?
Pas forcément. La problématique est différente. Après leur carrière ou une blessure, les joueurs avaient l’habitude de se tourner vers le coaching ou l’arbitrage. Désormais, ils disparaissent quasiment du milieu rugbystique. Donc forcément, ça se ressent sur les effectifs. Le renouvellement des arbitres atteints par la limite d’âge pose question aussi. Mais vous savez, quel que soit l’âge, il faut une bonne dose de courage pour oser prendre le sifflet, surtout de nos jours.
« Pour chacune de ces procédures, l’arbitre est obligé de porter plainte au commissariat. Croyez-moi, c’est bien pénible. »
Justement, on recense de plus en plus de cas d’insultes envers les arbitres, comme lors du 16ème de finale retour de Fédérale 3 la saison dernière entre Gimont et Tournefeuille. Voire même, parfois, des agressions physiques, comme lors du quart de finale de Fédérale 3 entre Puy-en-Velay et Navarrenx, encore la saison dernière. Ressentez-vous ce changement des comportements envers les arbitres ?
« Depuis le Covid, c’est très flagrant oui. Je n’ai pas vraiment d’explications, mais après le confinement, les gens ont décidé de venir au stade pour se défouler. En plus, la plupart connaissent très peu le rugby, ou en tout cas n’ont vu que des matchs de Top 14 ou de l’équipe de France. Alors forcément, ils n’imaginent pas que les règles puissent être différentes et que l’arbitre puisse avoir raison. Malheureusement, on ne peut pas faire grand chose contre le public. Les joueurs et les entraîneurs, eux, sont faciles à calmer, car ils nous respectent davantage et on peut les sanctionner. Mais pour les pseudo-arbitres dans les gradins ou derrière la talanquère, on n’a pas 500 cartons.
Les clubs ont leur part de responsabilité aussi…
Ils pourraient agir oui, car ils savent bien quels supporters sont généralement impliqués. Mais ils n’ont aucun intérêt à les refuser, sauf cas extrême bien sûr. Tant qu’ils payent leur billet et leurs bières après tout, honnêtement ça se comprend. »
En tant qu’arbitre, vous ne pouvez donc pas intervenir pour exclure un supporter ou même le faire interdire de stade ?
« C’est assez compliqué, car il faudrait faire arrêter le match. Déjà, il y a insulte et insulte, on ne stoppera pas une rencontre si un supporter crie « Tu es une m**** ». En revanche, si ce sont des insultes racistes ou homophobes, bien évidemment, ça devient nécessaire. On fait alors un rapport et la Fédération ou la Ligue tranche pour trouver les sanctions adéquates. Cependant, pour chacune de ces procédures, l’arbitre est obligé de porter plainte au commissariat. Croyez-moi, c’est bien pénible. »
Qui pourrait être alors responsabilisé dans la gestion du public ?
« Théoriquement, ce sont aux dirigeants de le faire, même si je sais qu’ils sont déjà débordés. Des clubs diffusent des messages préventifs avant ou pendant des rencontres, mais nous évoquons là un problème de fond, qui mérite que nous devons travailler tous ensemble pour faire changer les choses. L’arbitre ne peut pas tout faire, on ne peut pas tout attendre de lui.
On évoque les supporters, mais le rapport entre arbitres et entraîneurs, a évolué aussi…
« Malheureusement, oui. Et encore une fois, le Covid a été un point de bascule il me semble. Avant, ils venaient nous trouver après chaque match, pour échanger cordialement sur les faits de jeu. Souvent, même, ils nous envoyaient des vidéos, en nous demandant des retours sur telle ou telle action. Depuis la pandémie, je n’ai quasiment plus eu aucun échange avec des entraineurs, en dehors du terrain, même lors des repas d’après-match. Je le regrette. »
« Respectez les arbitres ! »
Les jeunes arbitres sont-ils formés pour réagir à tous ces nouveaux comportements ?
« Nos formations portent sur la gestion du stress durant le match. Par exemple, comment appréhender le money-time ou certaines situations. Mais nous ne formons pas sur l’extérieur du terrain, effectivement. Ce serait d’ailleurs assez complexe, car chacun réagit différemment. Un arbitre peut tout encaisser facilement, tandis qu’un autre va craquer au premier mot. »
L’accompagnement d’un délégué fédéral, est rassurant, une source de contrôle et de soutien. Mais on le voit, dans les divisions les plus basses, celles qui justement nécessiteraient plus de présence, il n’y a pas toujours de délégué…
« Le délégué fédéral est uniquement là pour gérer les bancs, c’est à dire les changements, la durée des cartons etc… Il n’a pas de droits sur ce qui se passe sur le terrain. L’accompagnement est donc limité. Ensuite, il faut prendre en compte l’expérience de l’arbitre. Par exemple, j’ai arbitré en Fédéral 2 et je me débrouille facilement seul sur un terrain de Régionale 3. »
Concernant la rémunération des arbitres, Albéric Lascou, le coach de Penne et ancien arbitre, affirmait qu’elle était trop faible, pour attirer les jeunes. Votre avis ?
« Non, je ne pense pas qu’il y ait de débat sur la rémunération. La règle, aujourd’hui, c’est 70 euros par match en régionale, plus 45 centimes par kilomètre. En gros, ça fait 100 ou 110 euros par rencontre dans le département. Je trouve ça plutôt correct. D’ailleurs, chaque fin de saison, on demande à ceux qui arrêtent l’arbitrage leurs raisons, et l’argent n’est jamais évoqué. Malheureusement, le motif numéro 1 est toujours le même : les insultes. »
Vous avez pu vous exprimer largement, nous vous laissons conclure ?
Pour conclure, il faut retenir le plaisir qu’on prend à arbitrer. Quand on part de la maison, c’est pour diriger de beaux matchs, avec des essais. Ça reste notre passion. Les insultes existent, c’est un fait. Si elles deviennent de plus en plus violentes, et continuent à être de plus en plus récurrentes, on va devoir arrêter tous les matchs. Peut-être que là, les gens comprendront et se calmeront. Donc j’espère que ce message sera entendu : respectez les arbitres ! »