Ils sont frères, ils sont Gersois. Pardon, Gascons ! On ne badine pas avec les origines et les traditions. Il faut dire que la famille De Lagausie apparaît dans les livres d’histoire de leur village natal tant aimé, Gimont, depuis sa création au XIIIème siècle. Les deux solides en écrivent une nouvelle page en étant associés dans une aventure peu commune, qu’ils nous ont fait partager lors d’un entretien où travail et rugby s’entremêlaient souvent… (photos RugbyAmateur.fr)
A votre gauche, Charles de Lagausie, 33 ans, 1.84m 120 kg ht (l’été), ex troisième ligne et pilier de l’Etoile Sportive Gimontoise pendant 15 ans. A votre droite, Antoine de Lagausie, 27 ans, 1.85m, 120kg (si, si), pilier gauche formé à Gimont bien sûr, actuellement à Castanet, après quelques années fastes, passées à Colomiers.
Les deux frangins partagent la même passion pour leur village natal, le rugby, indissociable de toute façon, et désormais leur travail. Fils, petits fils et arrières petits fils de commerçants, ils ont grandi dans l’arrière boutique familiale en compagnie de Benoît, l’autre frère, et Cécile, la soeur. Aujourd’hui, le « petit » Antoine a rejoint l’aîné, comme tripier donc, au marché Victor Hugo de Toulouse (loge 124-129 soyons précis) dont ce dernier avait repris l’affaire suite à un départ en retraite. Charles en explique les débuts : « J’ai fait des études de commerce à l’Esarc, à Labège, avec qui j’ai été vice champion de France de rugby, je le précise. Je suis devenu ensuite commercial pour les abattoirs d’Auch. Et puis j’ai eu cette opportunité à 25 ans, c’était en 2010. Je l’ai pris comme un challenge. Mon patron m’a traité de fou quand je lui ai dit que je reprenais une triperie. C’est vrai que c’est beaucoup de travail, il faut se lever à 3h et accepter de faire des heures, mais ça me tentait vraiment, et je ne regrette rien. »
« Le maniement de la tête de veau reflète assez bien mon jeu… »
Le gaillard ne compte pas ses heures, c’est le moins que l’on puisse dire, et habite toujours Gimont. L’affaire marche plutôt bien, et un renfort, de poids, s’imposait. Antoine, pourtant professeur d’histoire, décide alors de quitter la salle de classe pour rejoindre son frère : « Je venais souvent au marché, le monde de la viande m’intéressait, la consommer aussi d’ailleurs (rires). Quand on est au tableau noir à l’école, on rêve parfois d’avoir un couteau entre les mains, là c’est vraiment le cas. Je suis très rigoureux à la base, et la triperie impose une grande rigueur au niveau de l’hygiène, de la découpe. J’ai appris sur le tas, et je ne parle pas de mon frère là, et ça me plaît vraiment. Et puis, le maniement de la tête de veau reflète assez bien mon jeu (rires)! »
Les bons mots fusent, les sourires, voire les éclats de rire, et les clins d’oeil aussi. La clientèle en a pour son argent incontestablement. Car oui, il y a une clientèle fidèle à la triperie, et en particulier, à la Gasconne. Charles redresse la tête et le confirme : « La triperie, c’est un produit à part. C’est moins glamour qu’une entrecôte, mais on mange toujours des ris de veau, des têtes de veau, de l’onglet de boeuf, du foie, etc… Moi, je suis fier de pouvoir dire que je vais chercher moi-même le produit. Je suis passé par toutes les filières, de l’élevage à l’abattage, ce qui me permet d’avoir une vision globale et de garantir une qualité irréprochable ».
Une des raisons qui expliquent sûrement que les meilleures tables toulousaines se servent chez les Gascons. La communauté rugby passe souvent aussi : « Yannick Leduc, Antoine Chevalier sont clients, comme la plupart des avants en fait, surtout des piliers en fait. Les 3/4 moins, ils deviennent végétariens je crois (rires).
« Si on rejoue ensemble, on fera de la triperie en semaine et de la boucherie le dimanche (rires) »
Ça chambre à tout va, comme dans un vestiaire et sur un terrain. Antoine en profite pour glisser une comparaison entre son nouveau travail et son poste : « Le travail d’un pilier est ingrat, c’est un travail de l’ombre, mais qui doit être fait, et bien fait. Ici, c’est pareil, on aime les tâches dures…nous les piliers ! »
A l’image des premières lignes justement, le marché de la viande a évolué. Et comme celle servie parfois chez des peu scrupuleux, ce n’est pas toujours tendre. La crise de la vache folle et tous les autres scandales récents ont écrémé une filière qui ne laisse place qu’aux plus volontaires et sérieux. Charles et Antoine le sont incontestablement. Ce qui explique leur renommée et leur croissance. Leur rêve secret ? Pouvoir monter un jour un laboratoire et une boutique à Gimont. Car oui, tout ramène à Gimont quand même. Au point aussi d’envisager un autre rêve : rejouer ensemble sous la tunique gimontoise « ce serait sympa oui » confesse Charles, qui poursuit : « Si Antoine revient à Gimont, et il reviendra, et que j’arrive à me maintenir, pourquoi pas. Comme ça, si on rejoue ensemble, on fera de la triperie en semaine… et de la boucherie le dimanche (rires) ».
Incorrigibles, les deux frères se complètent décidément bien. Charles reconnaît les aptitudes de son frère, mais à sa façon: « Je suis plutôt direct oui, un peu ours parfois, mais mon métier m’oblige à être efficace. Aussi derrière le comptoir, Antoine est plus à l’aise, plus diplomate, plus commerçant. De toute façon, passer 4 ans avec Thierry Fossat comme coach, ça t’apprend à être diplomate (rires). »
Ah le rugby et ses anecdotes, nombreuses, refont vite surface, vous l’aurez compris. Nous avons été obligé de rajouter des « rires » un peu partout dans cet article, mais aussi de couper au montage. Alors amis lecteurs, sachez que, comme pour votre média préféré, vous serez reçus comme il se doit, vous pouvez en être certains. Vous ne ferez pas le voyage à vide en vous rendant au marché Victor Hugo : préparez-vous à parler bonne bouffe, rugby et passer un very good …trip !