Louane Cogez (19 ans, arbitre en Fédérale 3) : « Je rêve d’évoluer au plus haut niveau » – Lors du match Compiègne-Épernay du 3 décembre dernier, une bagarre générale a éclaté. Heureusement, l’arbitre de la rencontre a parfaitement géré la situation, notamment en distribuant un carton rouge à chaque équipe. Le match a pu reprendre dans de bonnes conditions. Petite particularité, cette arbitre n’a que 19 ans et dirigeait là seulement son deuxième match de Fédérale 3. Une preuve supplémentaire du talent de Louane Cogez, jeune cambrésienne, récemment convoquée pour un stage de développement de l’arbitrage féminin à Marcoussis. Première du concours des académies fédérales, elle connaît une ascension fulgurante, et vise toujours plus haut…
« Avant tout une stratégie pour rentrer au pôle espoir comme joueuse »
Bonjour Louane. Tout d’abord, comment es tu venue à l’arbitrage ?
« J’ai commencé lorsque j’étais joueuse en M14, lorsque j’ai eu l’occasion d’obtenir le passeport arbitre. Ça m’a tenté, car il fallait simplement suivre une petite formation, lors des journées de préparation aux tournois. C’est donc à cette époque, que j’ai arbitré mes premiers matchs, bien qu’ils n’étaient pas officiels. Ensuite, à mon entrée au lycée, j’ai utilisé cette carte d’arbitre pour candidater au pôle espoir d’Haubourdin, près de Lille. J’ai également postulé en tant que joueuse, mais je n’ai été retenue que pour l’arbitrage. »
Tu as donc longtemps eu la double casquette joueuse-arbitre : comment as-tu tranché entre les deux ?
« Mon objectif premier était d’être joueuse. Je suis d’ailleurs rentrée au pôle espoir en tant qu’arbitre par stratégie : j’espérais que, d’une manière ou d’une autre, je puisse ensuite intégrer le groupe des joueuses. Mais aujourd’hui encore, je ne sais toujours pas si ça aurait réellement été possible (rires). Toujours est-il que la décision finale est arrivée rapidement, car après une blessure au menisque en seconde, on a découvert que je n’avais plus de ligaments croisés depuis un an. J’ai donc vite compris que le débat était fini, mes croisés avaient choisi pour moi. »
« Le bac la semaine, et mon diplôme d’arbitre le même week-end »
Qu’est ce qui t’a plu dans l’arbitrage, et surtout, t’a poussé à continuer ?
« Après deux ans loin des terrains à cause de ma blessure, puis du Covid, j’ai pu commencer à arbitrer lors de ma dernière année au pôle, en terminale. J’ai alors dirigé des matchs de cadets et j’ai beaucoup apprécié mettre en application toutes les séances théoriques, que j’avais suivies avec attention durant deux ans. En décembre de cette même année, j’ai été appelée pour arbitrer sur la touche, lors du Tournoi des 6 Nations U18 masculins, qui se jouait sur 3 jours à Marcoussis. Nous avons passé un superbe week-end et j’ai beaucoup appris en échangeant avec les jeunes arbitres des autres pays. Je me suis alors rendu réellement compte de toutes les opportunités, comme celle-ci, que pouvait m’apporter l’arbitrage et j’ai définitivement accroché. »
Tu as donc ensuite continué à passer des diplômes pour arbitrer plus haut, jusqu’à finir première du concours des arbitres des Académies Fédérales…
« Exactement. L’année dernière, j’ai dirigé mes premiers matchs de séniors, en Régionale 3. Pour l’anecdote, ma toute première rencontre était Marcq-en-Barœul contre Fourmies, lors de la première journée. J’ai également pu arbitrer des matchs de Régionale 2 et 1, ainsi que quelques-uns en Excellence B (réserves de Fédérale 3).
Pour pouvoir monter en Fédérale 3, il me manquait plus que le niveau 4 du diplôme fédéral, car j’avais déjà passé le niveau 3 (la partie écrite) en terminale. D’ailleurs, je m’y étais pris un peu au dernier moment pour les révisions, et elles étaient donc tombées en même temps que celles du bac. Pareil pour les épreuves : j’ai passé le bac la semaine, et mon diplôme d’arbitre le même week-end.
Pour le niveau 4, j’ai suivi une formation en visio durant toute l’année dernière. On étudiait principalement des vidéos de ProD2 et de Top14, pour établir des diagnostiques et des analyses sur les fautes, ou la position de l’arbitre. Avant ce diplôme, au moment de terminer mon lycée, j’ai également passé le concours des académiciens, qui rassemblait tous les 2004 des différents pôles espoirs. Grâce à mes points à l’écrit et à la vidéo, j’ai terminé première, garçons et filles confondus. »
« En tant que fille de 19 ans, j’ai un crédit au début du match à ne pas épuiser »
Cette saison, grâce à ces diplômes, tu peux arbitrer en Fédérale 3. En quoi est-ce différent pour toi ?
« Depuis que je suis classée, j’ai été sur deux matchs de Fédérale 3. Je trouve les rencontres plus intéressantes, car le jeu va beaucoup plus vite. J’ai ressenti un vrai écart entre les divisions régionales et la Fédérale 3, bien que ce soient les mêmes règles. Les joueurs sont également plus disciplinés et contestent moins mes décisions. »
Durant ces rencontres, ton jeune âge et le fait que tu sois une fille te sont rappelés ?
« C’est un peu à double tranchant : je suis à chaque fois bien accueillie, justement car je suis une jeune fille, mais il faut ensuite que je fasse doublement mes preuves. Je n’ai d’ailleurs jamais su si je suis l’arbitre la plus jeune à ce niveau, mais je pense en tout cas être la plus jeune fille. Je considère donc que j’arrive avec un crédit, que je dois garder et ne pas épuiser avec de mauvaises décisions. Globalement, les bancs sont toujours très fair-play durant les matchs, mais les critiques peuvent venir des tribunes. J’ai déjà entendu un supporter crier « T’es chiante l’arbitre », lorsque j’ai mis une pénalité contre son équipe. »
Dans ces situations, tu arrives à rester concentrée ?
« Oui, je me crée une bulle imaginaire, pour ne pas être perturbée. L’exemple le plus marquant pour moi est mon deuxième match, entre Compiègne et Épernay, car une bagarre générale a éclaté. Bien évidemment, je ne me suis pas interposée, pour éviter les dégâts (rires). J’ai plutôt pris du recul, afin de bien lire la situation et, après un carton rouge de chaque côté, la tension est redescendue et le match a pu se terminer normalement. »
« Le plus haut possible bien évidemment »
Tu as été sélectionnée pour participer à un stage à Marcoussis, du 24 au 26 novembre. En quoi consistait-il exactement ?
« C’est un groupe de 14 espoirs, constitué pour développer l’arbitrage féminin. Aurélie Groizeleau et Cédric Marchat, vice-présidente et président de l’Union Nationale des Arbitres, suivent nos performances sur la saison, et nous réunissent parfois pour des stages de ce type. On a abordé les points sur lesquels chacune a du mal en match. Ça passe par des analyses vidéos, mais aussi des tests physiques, pour tenir le rythme sur le terrain. »
Quels sont désormais tes objectifs dans l’arbitrage ? Jusqu’où voudrais-tu aller ?
« Le plus haut possible bien évidemment. Pour l’instant, je suis bien en Fédérale 3, et je veux prendre le temps pour bien progresser avant de monter. Plus tard, j’aimerais bien sûr évoluer au plus haut-niveau et me consacrer à 100% à l’arbitrage. Le Graal serait de pouvoir intégrer le staff d’une équipe pro, en parallèle. Mais arbitrer en Fédérale 1 ou Nationale serait déjà très bien. Pour l’instant, j’ai également d’autres objectifs en tête, comme réussir ma formation d’éducatrice sportive et réussir à bien allier ces deux activités. »
Pour finir, as-tu un mot à faire passer sur l’arbitrage de manière générale ?
« Le contexte actuel est difficile pour les arbitres, surtout après la Coupe du Monde, qui nous a fait beaucoup de mal. Récemment encore, l’arbitre vidéo de la dernière finale de Coupe du Monde (Tom Foley) a arrêté sa carrière, car il recevait des menaces de mort, c’est très grave. On sent le public plus méfiant désormais. Mais il faut absolument rappeler que sans arbitre, il n’y a pas de jeu et que peu de monde aurait le courage de prendre de telles responsabilités au centre du terrain. Les supporters doivent prendre conscience que ce n’est pas évident, et être donc plus compréhensifs. Ça permettra d’avoir moins peur et de continuer à prendre du plaisir, car on est avant tout arbitre par passion. »