A peine les crampons raccrochés, Julien Lauvernet était à devenu à 36 ans, entraîneur des lignes arrières de Lombez-Samatan, avec qui il avait terminé sa longue et riche carrière de joueur. Une expérience réussie qui s’est poursuivie trois ans plus tard, à Lavaur, son ancien club durant cinq saisons. Devenu manager, « le Corse » savait que le défi était de taille. Après deux saisons et demie, faites de hauts et de bas, l’histoire a pris fin brutalement le mois dernier. Entretien…
Julien Lauvernet, vous n’êtes plus le manager de Lavaur. Pour couper court à toute interprétation, que s’est-il passé exactement : départ ou éviction ?
Au lendemain de la 6ème journée du championnat, de la défaite contre Grenade, et d’un débriefing d’après-match dur mais réaliste au regard de la piètre prestation fournie, j’ai reçu un appel de l’un des Présidents. Visiblement pris en otage par le chantage d’un petit groupe d’anciens joueurs demandant du changement au sein de la direction sportive sous peine de non poursuite de la saison. C’est très attristé qu’il m’annonçait que j’étais démis de mes fonctions avec effet immédiat. Mon message ne passait visiblement plus.
Celui de Cédric FOURTINE (entraineurs des avants) non plus ?
Depuis le début de l’aventure et au gré des multiples tempêtes traversées depuis 2 ans et demi, il a toujours été très clair dans la tête de tout le monde que les sorts de Cédric et moi-même à l’ASV étaient liés l’un à l’autre. Il a donc fait partie du limogeage même si je pense qu’en étant un peu coquin et opportuniste comme certains ont pu l’être, il pourrait encore être aux manettes à ce jour. Mais comme ce n’est pas le genre de la maison, il a préféré se montrer solidaire jusqu’à la dernière seconde, je n’avais aucun doute sur ça.
Quid de Quentin BILLAUDEAU (entraineur en charge des skills et de la technique individuelle), qui complétait votre trio ?
Quentin, très bon entraineur en devenir, que j’avais amené dans mes mailles la saison précédente n’a pas hésité également une seule seconde à nous suivre, malgré les multiples sollicitations de certains joueurs et Présidents souhaitant le faire rester. Lui aussi aurait pu céder à l’opportunité qui s’offrait lui à lui vu son jeune âge mais conscient de comment et pourquoi il était là, il a préféré démissionner car il ne trouvait pas la situation saine et honnête.
« Manque d’investissement individuel sur et en dehors du terrain… »
Quel est votre sentiment sur cet « arrêt » ?
Un peu mitigé. Sur le fond, je comprends totalement et respecte la décision, car les résultats n’étaient pas ceux escomptés avec une seule victoire au compteur en 6 journées. Dans ce genre de situation, bien sûr que le staff sportif a une grande part de responsabilité et en tant que manager à ce moment-là j’en prends l’entière responsabilité. Sur la forme, je comprends beaucoup moins, car sentant un groupe incapable de réagir face à la situation, nous avions proposé notre démission 3 matchs auparavant pour le bien de l’équipe en essayant de créer un électrochoc.
Une démission refusée ?
Balayée d’un revers de main d’une part par les Présidents, nous renouvelant leur confiance comme ils s’y étaient engagés contractuellement jusqu’à la fin de la saison, et ce, même en public lors de l’Assemblée Générale financière du club. Les joueurs, réunis lors d’une sorte de mini réunion de crise, nous avaient témoigné en face à face leur confiance et leur souhait de continuer avec nous. Le tout en assumant la majeure part de responsabilité dans les défaites, par manque d’investissement individuel sur et en dehors du terrain.
Vous vous sentez donc comme trahi ?
Disons plutôt que je trouve beaucoup trop facile trois matchs plus tard après les avoir secoués et remis en question, qu’une sorte de mini syndicat se soit formé et s’autoproclame représentatif du groupe de joueurs pour demander la tête du staff. Ce n’est jamais bon dans un groupe de faire passer ses propres intérêts personnels avant l’intérêt collectif et je pense que c’est ce qu’il s’est passé.
Vous pensez que cette éviction n’était pas souhaité majoritairement donc ?
Une chose est sûre : au vu des nombreux témoignages que nous avons reçus, aussi bien de la part de certains membres du comité directeur que d’une grosse partie de l’effectif, beaucoup ont subi cette décision, et la regrette à ce jour. Je constate que les résultats depuis notre éviction parlent aussi, avec 3 défaites, dont 2 à domicile. Je me demande aujourd’hui si c’est le message qui ne passait plus, ou tout simplement si le message ne voulait pas être entendu. Seul l’avenir pourra le dire.
« La place de Lavaur est en Fédérale 1 »
Avec un peu de recul, quel bilan tirez-vous de ces deux ans et demi à la tête de l’ASV ?
Tout d’abord, je souhaite sincèrement remercier les Présidents MARONESE et LOPEZ pour m’avoir confié à 39 ans, la direction sportive du groupe séniors et même bien plus car la fonction de manager à Lavaur dépasse le simple cadre du sportif. Mon investissement a été sans limite et c’est toujours dans l’optique de ne jamais trahir cette confiance que j’ai œuvré. en sacrifiant beaucoup de choses notamment dans ma vie personnelle.
Avec un peu de recul, et au vu du contexte vauréen en déclin, probablement certains auraient fait mieux, ou pire, mais incontestablement, peu auraient tenu dans un projet où chaque année on demande de faire mieux avec moins. Sans la solidarité d’un staff (sportif et médical) lié comme les doigts de la main et l’aide précieuse de Christophe PIGOZZO qui a toujours été d’un soutien technique et moral inquantifiable, je reste persuadé que l’aventure aurait pris fin plus tôt.
Cette expérience, pour un jeune entraîneur, reste positive malgré tout ?
Notre plus grande fierté est déjà d’avoir su donner à l’équipe une réelle identité de jeu basée sur l’offensive reconnu de tous. Cette expérience-là m’aura à titre personnel indéniablement faite grandir en tant qu’homme et entraineur. Même si les derniers mois ont été très difficiles, je préfère retenir les moments positifs, passés avec le joueurs, les dirigeants et les bénévoles. Je souhaite de tout cœur que le club redresse vite la barre, car il le mérite tant. La place de l’ASV est en fédérale 1.
Comment voyez-vous tu la suite, quelles sont vos envies ?
Depuis cette éviction qui date d’un mois, j’en ai profité pour me ressourcer quelques jours chez moi en Corse, je passe beaucoup plus de temps avec ma fille Carla qui est la plus heureuse de cette situation. Vu la période hivernale qui s’annonce notamment le froid et les terrains gras, j’avoue que pour l’instant le rugby ne me manque pas trop en semaine (sourire).
…Ça devient plus difficile à partir du vendredi soir à l’approche de la compétition où j’ai du mal à tenir en place. J’en profite pour aller voir des matchs amateurs à droite et à gauche car ma passion de ce sport reste intacte. J’échange avec des collègues entraîneurs, et assiste en présentiel à des séances d’entrainements, dans le but de m’inspirer de la façon dont les autres fonctionnent. Je ressens le besoin de voir ce qu’il se fait ailleurs pour me construire et mieux rebondir.
Et comment voyez-vous le rebond justement ?
Je reste persuadé que je suis fait pour entrainer et je me prépare donc d’ores et déjà à basculer sur un futur projet. J’ai reçu des propositions quand j’ai refusées car j’étais engagé, mais maintenant que je suis libre, je suis à l’écoute, en souhaitant ne pas descendre de niveau, ni de compétence. Mais ce qui est sûr, c’est que ce ne sera pas n’importe où, ni avec n’importe qui, et dans un projet qui ne manquera pas d’ambition.
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