C’est l’histoire d’un homme authentique, qui par choix et conviction, est « monté » à la capitale pour exercer son métier avec générosité, et une passion inchangée depuis plus de 30 ans. Celle-là même qu’il exprime à son micro, pour commenter des matchs de foot, mais aussi de rugby, tous les quatre ans, depuis 20 ans. Celle-là même qui lui vaut aussi d’être critiqué, souvent. A cinquante ans, Christian Jean-Pierre vient de sortir un livre « 48 2/3 », qui évoque ses nombreuses rencontres tout au long de sa carrière, avec une large place accordée au rugby, ce sport qu’il aime vraiment. Califano, Ouedraogo, Albaladejo et même Kad Mérad, dont on découvre qu’il aurait pu faire carrière dans l’ovalie, viennent compléter les 12 portraits intimistes du livre où l’on retrouve aussi Arsène Wenger, Lionel Messi ou encore le Comte de Bouderbala. Loin d’en faire la promo ici, Christian Jean-Pierre a surtout répondu à toutes nos questions rugbystiques, sans détours. A croire que sur RugbyAmateur.fr, le journaliste a trouvé chaussure à son pied…(par JL)
Tout d’abord, comment le sport est rentré dans votre vie ?
Le sport est rentré très tôt dans ma vie parce que j’avais un père qui aimait le foot et le rugby. Il m’a emmené dans les stades, et j’ai grandi avec cette passion. Elle ne m’a plus quittée.
Et à quand remontent vos premiers souvenirs de rugby ?
Mes premiers souvenirs de rugby, ils sont très précis. Ce sont les commentaires de Roger Couderc et Pierre Albaladejo, le samedi après-midi pendant le Tournoi, des 5 nations à l’époque. Des voix envoûtantes et chantantes qui sont restées profondément ancrées en moi. Pierrot est devenu un ami depuis, il a gardé un regard affûté sur le jeu, c’est quelqu’un qui a une intelligence étonnante, un sens de la répartie extraodinaire. C’est un livre à lui tout seul.
Vous avez pratiqué le rugby ?
J’ai commencé à pratiquer le foot, j’étais pensionnaire. Et puis mes potes m’ont amené au rugby car ils avaient vu que j’avais un grand coup de pied. Ils me faisaient jouer derrière, et même en deuxième ligne parfois, car j’étais grand, malgré mes épaules de serpent. J’ai adoré l’ambiance de ces matchs. Et puis, quand on grandit à Toulouse, on ne peut qu’aimer le rugby. D’ailleurs à l’époque, j’avais même l’autocollant du Stade Toulousain sur ma mobylette.
Votre meilleur souvenir dans le rugby ?
La demi-finale de la Coupe du Monde en 1999 est évidemment un souvenir énorme. Je me souviens que Bernard Laporte m’a dit à la mi-temps « Christian, si on gagne, je mange un rat ! ». Cette deuxième période est certainement unique dans l’histoire de rugby. Mais pour être honnête, j’ai adoré cette dernière coupe du monde. Les matchs, les supporters, les stades, l’ambiance, le jeu, cette finale, il y avait vraiment tout pour s’enthousiasmer…mis à part la France. Mais quel magnifique souvenir d’ensemble, avec des matchs éblouissants. Et quelle finale !
Et votre plus mauvais souvenir ?
J’ai commencé à commenter en 1995 en Afrique du Sud, donc la blessure de Max Brito (blessé en cours de match et devenu tétraplégique). Je l’ai recroisé dans les couloirs du stade lors du match pour la 3ème place entre l’Afrique du Sud et l’Argentine. Je ne l’avais pas revu depuis, et ça m’a forcément touché. C’est à ce jour, le seul grand blessé du rugby à XV au niveau professionnel.
« Quand je me lance dans l’aventure rugby, je me doute bien que je ne vais pas plaire à tout le monde… »
Vous faîtes l’objet de vives critiques pour vos commentaires au niveau du rugby. Comment l’expliquez-vous ?
Je suis très à l’aise pour en parler. Quand on commente un match suivi par 12 millions de personnes, on ne peut pas faire l’unanimité. 12 millions de personnes, c’est un chiffre énorme. Donc oui, c’est la moindre des choses de ne pas plaire à tout le monde.
Ces critiques vous touchent ?
Comme je le disais, c’est normal de ne pas faire l’unanimité, ces critiques ne m’affectent donc pas. Cela me gêne un peu de le dire ici, mais des gens connus et reconnus dans le milieu, comme Pierre Albaladéjo, Jacques Verdier, Pierre Lescure, et d’autres, nous ont félicité pour notre boulot, avec Bernard. Celui d’avoir réussi à vulgariser le rugby notamment, pour le mettre à la portée de toutes et tous. Ce sont des avis objectifs, d’horizons différents, qui me font dire qu’on a quand même fait du bon travail. Même mon président à TF1 nous a félicité, et il est toujours objectif, croyez-moi.
Thierry Gilardi commentait le foot et le rugby sans être visé comme vous l’êtes, vous l’expliquez comment ?
Quand je me lance dans l’aventure rugby, je me doute bien que je ne vais pas plaire à tout le monde, surtout auprès des grands connaisseurs du rugby, et c’est valable pour le foot d’ailleurs. On ne peut pas être supporter de Paris et de Marseille au foot, c’est comme ça. C’est pareil pour moi. Je n’en tiens rigueur à personne, je peux tout à fait le comprendre, mais je passe outre. Je parle avec mon coeur, j’exerce mon métier avec passion et sincérité. Donc j’en assume les risques au départ, et les critiques à la fin. Mais vous savez, j’ai entendu des échos positifs aussi (rires) et ceux-là ne sont pas forcément mis en avant. Encore une fois, je respecte l’avis de chacun.
Vous êtes pourtant un vrai passionné de rugby…
Oh oui ! Les gens pensent sans doute que je parle rugby tous les quatre ans, mais je suis au bord des terrains chaque samedi pour voir mes deux gamins le pratiquer. Et c’est assez drôle d’ailleurs d’entendre les commentaires sur le bord de la touche. Même les propos des entraîneurs qui répétaient « pas de fautes ! pas de fautes ! A droite ! Ecarte à gauche ! » J’avais l’impression d’avoir Bernard à côté de moi encore (rires). J’aime le rugby profondément. Quand je passe trois jours avec l’équipe de France avant la Coupe du monde, c’est pour mieux les connaître, mieux préparer mes commentaires, mais c’est aussi le passionné que je suis, celui qui, comme tant d’autres a rêvé de devenir joueur professionnel et n’y est pas arrivé. Donc les côtoyer de près, ce sont vraiment des souvenirs fantastiques.
Vous avez un joueur préféré ?
En arrivant sur Paris, j’avais un autocollant « Allez le Stade Toulousain » pour revendiquer mes origines toulousaines. Mais en changeant de voiture, je n’ai pas remis l’autocollant car je me suis rendu compte que je suis beaucoup plus attaché aux personnes, qu’au club. Aujourd’hui, à titre d’exemple, Je suis beaucoup plus attaché à Vincent Clerc et à Maxime Médard qu’au Stade, de même qu’un Gonzalo Quesada, qu’au club qu’ils représentent. Je pense que c’est comme ça quand on prend de l’âge aussi. François Trin-dhuc est un mec génial aussi. Il y en a tellement dans le rugby. J’ai fait tellement de rencontres géniales !
Justement, la sortie de votre livre est liée à vos nombreuses rencontres. Vous parlez de Wenger, Messi…mais vous faîtes la part belle au rugby avec des portraits de Christian Califano, Pierre Albaladejo, Fulgence Ouedraogo ?
Ce sont des parcours de vie, qui montrent que tout est possible dans la vie, à condition de s’accrocher. Leurs vies sont des films différents mais qui ont ce point commun. Ils ont bien voulu se livrer à moi, j’ai été très touché de la confiance qu’ils m’ont accordé. Car on est allé loin dans leurs doutes, les joies, les peines. Le parcours de Christian Califano force le respect, celui de Fulgence aussi. Je me suis dit que j’avais la chance d’avoir rencontré des personnes extraordinaires tout au long de ma vie, des gens hors du commun, et je voulais partager ces moments, ce lien fort et privilégié que j’ai pu tisser avec eux. C’est un livre de partage.
C’est pour cela que que vous n’apparaissez pas sur la couverture ?
Ce n’est pas un livre autobiographique, car ma vie n’intéresse personne je pense, donc oui je ne voulais pas figurer sur la couverture.J’ai pris le contre-pied. A 50 ans, j’avais envie d’écrire ce livre ainsi. Je sais que je m’adresse à des fans absolus du rugby ici sur Rugbyamateur.fr. J’espère que lecteurs prendront le temps de lire ce livre pour cette raison. J’en serais même touché. Comme le dit Jean-Jacques Goldman dans sa préface, c’est un livre positif
Pour tester votre préférence entre la ballon rond et ovale. Imagions, les deux finales de coupe du monde de rugby et de foot se jouent en même temps, il y a France-Brésil d’un côté, et France-Nouvelle-Zélande de l’autre. On vous demande de commenter un match, lequel choisissez-vous ?
On ne m’a jamais posé cette question, elle est épouvantable d’ailleurs(rires). C’est de la fiction, mais j’essaye d’imaginer…Voyons (longue hésitation). Non, vraiment, c’est trop dur de choisir ! C’est comme choisir entre son père et sa mère. Ce n’est pas possible !
Et commenter un match de fédérale en Midi-Pyrénées, vous pourriez le faire ?
(Rires) Mais bien sûr que oui. Et c’est une très bonne idée même. Il faudrait réunir quelques techniciens, des caméras, et on peut le faire avec grand plaisir. j’espère qu’on ne me jettera pas trop de tomates quand même (rires). Mais sérieusement, ce serait une super expérience.