A quoi tient un match, et surtout une finale ? A des détails bien sûr. Les perdants y penseront longtemps avec amertume, les gagnants avec une douceur teintée de fierté éternelle. Car cette finale de Régionale 2 Occitanie, entre l’US MILLAS, et le RC Bassoues Lupiac Montesquiou, intense et incertaine jusqu’à la dernière seconde, s’est réellement jouée sur une multitude de détails. Et donc, de décisions arbitrales que certains considèreront comme arbitraires, et d’autres comme cohérentes. Toujours est-il que Revel a été le théâtre d’un match en rouge et noir qui a fait honneur au rugby amateur… (par Jonah Lomu, photos Christophe Fabriès – RugbyAmateur)
Une folle première mi-temps…
Le ton était rapidement donné au niveau de l’engagement des deux équipes. Dès la troisième minute, un plaquage appuyé, devenait cathédrale quand Martinez, l’ailier millassois au tapis, retombait sur le haut du corps. Monsieur Alibert, arbitre du jour, sortait le premier carton du jour contre Frulin, de couleur jaune.
Christophe Pérez, le volcanique entraîneur catalan, persuadé que son joueur était retombé sur la tête, voyait rouge, au propre comme au figuré, et ne décolèrera pas de cette décision qui aurait pu tout changer. D’autant que son talonneur Metlaine, venu pour faire justice, écopera lui aussi d’un carton jaune, et de fait, la pénalité sera, comme Martinez, retournée.
A 14 contre 14, les deux équipes envoient du jeu. Les collisions sont nombreuses et impressionnantes. Les points de rencontres donnent lieu à une féroce bataille dans les rucks, provoquant des fautes à répétition. Martinez, remis de vol plané du début de match, a l’occasion de montrer ses talents de buteur, et ouvre le score (3-0, 10ème). Un avantage de courte durée puisque Labourdère lui répond trois minutes plus tard.
Les Gersois envoient du jeu, pilonnent, Millas, plie, ne rompt pas, mais pour fautes répétées, écope d’un carton blanc. Un avantage numérique rapidement mis à profit par Bassoues, avec Paul Rozis qui sert son frère Lucien, transperce plein champ, met les cannes, et file entre les perches (3-10, 17ème). Un joli coup des guns n’ Rozis donc !
Millas réagit aussitôt par un mouvement d’envergure, à grands renforts de percussions, d’alternance, qui se conclut par un essai des frères Enrique. Martinez transforme (10-10, 21ème). Sur l’essai, le RCBLM écope aussi d’un carton blanc pour fautes répétées. Bellet, le demi de mêlée catalan, sonné sur cette action, laisse sa place à Guillemin, qui commettra un en avant volontaire dans la foulée. Carton jaune, Millas ne parvient toujours pas à jouer à 15.
Bassoues en profite pour enclencher un ballon porté qui va derrière la ligne. Labourdère, à l’origine de cet essai grâce à un 50-22 de grande classe, toujours excellent dans son jeu au pied, transforme (10-17, 26ème). Mais comme dix minutes auparavant, Millas répond du tac au tac, avec des enchaînements avants arrières, et une grosse séquence qui envoie le solide le remuant troisième ligne aile Guenoun, derrière la ligne. Essai non transformé, on vient de franchir la demi-heure de jeu, le score est de 15-17, et restera inchangé jusqu’à la pause. Ce n’est pas faute d’avoir essayé pourtant tant les deux formations s’envoient. Quelle première mi-temps !
Un final haletant, jusqu’à la dernière seconde…
Au retour des vestiaires, et après plusieurs changements tactiques, les deux équipes se neutralisent. Labourdère se signale à nouveau sur une percée cette fois, qui se termine par une faute catalane. L’arrière gersois sera donc le premier à faire bouger le tableau d’affichage sur pénalité (15-20, 55ème). Martinez lui répond aussitôt (18-20, 58ème). Millas revient au score donc, et va jouer en supériorité numérique à l’heure de jeu, après un nouveau carton blanc contre Bassoues, qui courbe l’échine.
C’est un vrai temps fort pour Millas, qui, poussé par son bouillant public, est proche de faire craquer son adversaire, qui commet une nouvelle faute. Jérémy Le Gal, troisième ligne aile gladiateur millassois, toujours à la pointe du combat, s’écroule dans l’en-but au terme d’un ballon porté. L’arbitre n’accorde pas l’essai jugeant que le ballon n’a pas été aplati.
Bassoues, dans les cordes, écope d’un carton blanc, mais se montre solidaire devant sa ligne. Martinez, d’une belle frappe du droit, ne rate pas l’occasion de marquer trois points de plus, pour redonner l’avantage aux siens, perdu depuis l’ouverture du score. Mais les supporters catalans auraient évidemment préféré un essai plutôt qu’une pénalité.
21-20, il reste dix minutes. Tout peut encore arriver. Et tout va arriver. Un âpre combat devant, encore et toujours. Des prises d’initiative au large aussi, pas couronnées de succès à cause de deux défenses courageuses et vigilantes. Millas a la main sur le ballon, et semble avoir la maîtrise du jeu, mais s’entête à jouer depuis son camp, au lieu d’aller dans celui de Gersois, qui ne demandaient qu’à gratter un dernier ballon. Et à la 76ème minute, ces derniers obtiennent une pénalité face aux perches à 35 mètres. Une formalité pour Labourdère, qui redonne l’avantage à son équipe (21-23).
Comme le ciel, Millas gronde et se montre menaçant. A l’envie et à l’orgueil, les Catalans repartent à l’assaut du camp adverse. Le RCBLM monte fort en défense, mais se fait sanctionner pour un hors-jeu de ligne. A 40 mètres, légèrement à droite des poteaux, Martinez prend sa chance. Il s’élance, la frappe est toujours pure, le ballon s’envole, le banc catalan lève les bras au ciel, mais ce ballon de la gagne fuit les perches au dernier moment.
Sur le renvoi, Millas garde le ballon au près, fait sonner la charge par ses avants. Le combat est rude, les supporters crient, chaque ballon tombé peut être le dernier. Mais les Catalans, à trente mètres de la terre promise, continuent de gagner mètre par mètre. Les Gersois ne s’enlèvent pas, donnent tout pour contre ce qui semble être une interminable mais inexorable avancée catalane. Pourtant, par excès de précipitation sûrement, c’est par un drop que Millas tente d’aller décrocher les étoiles. La position est moyenne, pas en face des perches, à 30 mètres, et la tentative, mal engagée, est ratée.
L’entente Bassoues Lupiac Montesquiou, décidément reine du suspense après sa qualification en quart aux tirs au but, est au paradis. Après avoir perdu en finale 2022 contre Canet d’Aude, le RCBLM fait un très beau champion 2024 d’Occitanie de Régionale 2. Millas, décidément maudit en finale, n’a pas vaincu le mauvais sort, fait un très beau vice-champion, mais en a malheureusement l’habitude depuis deux ans. Les larmes de joie étaient nombreuses, celles de détresse aussi.
Le temps de les sécher, de repartir au combat pour une campagne en championnat de France, aussi longue que possible, qui pourrait bien obliger les guerriers de l’Armagnac à croiser le fer une nouvelle fois avec Millas. Rendez-vous est pris, en rouge et noir bien sûr…
Réactions
Thierry Duces (Co-entraîneur de Bassoues) : Nos joueurs sont formidables. A l’image de la saison, cette dernière action montre toute la discipline en défense, le refus de craquer. On venait de monter, donc on ambitionnait juste de bien figurer, on avait fait un bon recrutement, et puis de fil en aiguille, on s’est pris au jeu. C’est vraiment génial ce qui nous arrive, c’est beaucoup, beaucoup d’émotions…
Laurent Bosch (centre et capitaine Millas) : On les a mis en difficulté quand on envoyait du jeu, mais on n’a pas su le faire quand il le fallait. Ils ont été plus intelligents que nous sur la gestion des temps forts et des temps faibles. On commet trop de fautes. La dernière action ? Si le drop passe, on change de discours, mais il est certain qu’on était dans l’avancée, qu’en se montrant plus patient, on aurait pu espérer autre chose. C’est dur de perdre une troisième finale, mais on a un bon groupe, on est un village uni, on va revenir plus fort. Il faut qu’on gagne un titre !
Christophe Pérez (co-entraîneur Millas) :
Y. Amrani (Ouvreur Millas) : « On ne peut pas gagner une finale en étant aussi indisciplinés. On prend trop de cartons. Et puis on s’est précipités par moment, on doit sortir au pied au lieu de jouer à la main, avec un ou deux temps de jeu supplémentaires, on doit chercher la pénalité sur la dernière action. Ca se joue à des détails, mais en jouant un voire deux de moins, c’est trop de gagner.
Jérémy Le Gal (3ème ligne aile Millas) : beaucoup d’amertume, on est abattus. Je pensais qu’on avait grandi de par nos expériences en finale, mais on s’est trompés, on commet des fautes alors qu’on savait qu’ils avaient un super buteur. On donne des munitions, c’est dommage. Malgré ça, on est dans le coup. L’essai qu’on me refuse, je suis persuadé d’avoir aplati correctement, l’arbitre me dit qu’il ne le voit pas, qu’il est mal placé. Le drop ? On avançait, il fallait continuer, c’est dommage. Cette défaite va nous peser, mais on va essayer de se relever encore.
Romain Della Vedove (Deuxième ligne Bassoues ): C’est un énorme bonheur car on savait qu’on allait jouer une grosse équipe, plus expérimentée, plus solide que nous. Nous, on est une alliance de trois petits villages du fin fond du Gers, on est tous des agriculteurs, on se faisait confiance sur notre vaillance, notre état d’esprit, on savait que si on collait au score, ça pouvait nous sourire, et les faire douter, car ils ont perdu des finales malheureusement pour eux.
Je leur souhaite une bonne suite malgré tout, ils le méritent. Et nous, on est très heureux. Pour nos petits jeunes, c’est formidable, nous les anciens, on leur disait, croquez dans cette finale, car un parcours rugbystique passe très vite, et on ne sait pas de quoi est fait l’avenir.
Guillaume Labourdère (arrière et buteur de Bassoues) :
Mathieu Martinez (ailier – buteur Millas) : Déçu forcément. Il y a des faits de jeu contre nous, le plaquage que je prends d’entrée mérite une autre couleur de carton je pense, ce qui aurait changé l’issue du match sûrement. Après, on a notre part de responsabilité aussi. Je rate cette dernière pénalité, pas facile, mais si je la mets, on oublie tout. Bref, déçu, mais on va essayer de rebondir pour le championnat de France, comme l’an dernier.
Paul Rozis (ouvreur Bassoues) :
André Faliu (président Millas) : On a assisté à une belle finale, on avait une main posée sur ce bouclier qui, décidément, nous fuit. Nos joueurs ont tout donné, ils sont allés derrière la ligne, sans pour autant marquer l’essai. Bassoues est une belle équipe, qui partage notre philosophie, notre approche du rugby amateur, sans argent mais avec beaucoup de valeurs. C’est triste de perdre à nouveau en finale, mais je fais confiance aux joueurs et au staff pour rebondir en championnat de France. Je reste convaincu que nous avons les moyens de vivre une nouvelle belle aventure, en espérant toucher du bois cette fois.
Feuille de match
RC Bassoues Lupiac Montesquiou
US Millas
©Photos de la finale Christophe Fabriès – RugbyAmateur