Pour les plus jeunes, Narbonne évoque au mieux un maillot orange, quasi légendaire, un club évoluant au plus haut niveau, touchant le Brennus à deux reprises il y a 40 ans, avec dans ses rangs, des grands noms du rugby hexagonal, comme Codorniou ou Spanghero. Au pire, la cité audoise évoque pour les moins de 20 ans (hors taxes) la plage, le soleil, le vent, les Grands Buffets et Gilles Belzons, plus connu pour son restaurant et son mégaphone sous les halles que pour avoir été un grand 3ème ligne du Racing… Mais pour les dirigeants de Saint-Sulpice sur Lèze en revanche, la mémoire est vive, le respect profond, et la fierté non feinte de recevoir ce grand club historique, descendu depuis peu de son piédestal professionnel, mais pas dans l’estime des amoureux de l’ovalie. C’est pourquoi, cette réception avait été préparée soigneusement, ce dont l’USSS a la secret. Pas moins de 400 personnes avaient réservé leur place pour le repas d’avant match et plus de 1500 personnes (sur 2 000 âmes dans le village, et en période de vacances scolaires en plus) ont garni un stade Gaston Sauret en ébullition. Un record ! Un bon dimanche à la campagne donc, qui allait devenir mémorable à bien des égards… (par David Campese, photos Christophe Fabriès)
Au match aller, au terme d’une rencontre pas dépourvue d’engagement, mais plutôt terne, « Saint-Sul » s’était incliné (28-20), la tête haute. 9ème au classement, les Rouge et Vert (ça marche dans l’autre sens aussi) restaient sur sept matchs sans victoire, mais avaient joué cinq fois d’affilée loin de ses terres. Il fallait donc à tout prix stopper cette spirale négative, commencée depuis novembre dernier. Mais le Racing (5ème), qui s’était incliné lourdement contre Valence-Romans (48-20), venait aussi pour assurer sa qualification.
Baignée d’un soleil franchement printanier, la rencontre montait un peu plus en température quand captain Meneghel ouvrait la marque suite à une erreur narbonnaise, et filait entre les perches dès la 3ème minute de jeu (7-0). Le fervent public de Gaston Sauret n’en demandait pas tant. Mais le Racing démontrait rapidement qu’il n’était pas venu jouer un match exhibition, en proposant de longues séquences de jeu, qui allaient finir par faire craquer la défense locale, pourtant tenace. Romain Hollet, le talon audois, marquait en force (7-7). Rajoutez une pénalité de chaque côté et chaque formation repartait dans les vestiaires à la pause, dos à dos (10-10).
Une fin de match électrique…
Dans les tribunes, comme à la buvette, les pronostics allaient bon train. La tendance restait sur un match serré jusqu’au bout. Oh les visionnaires ! Car ce second acte n’allait pas donner tort aux supporters des deux camps. Il était dit que Gaston Sauret vivrait une nouvelle grande page de sa déjà longue histoire. De par la teneur des événements déjà, on l’a dit, mais aussi par le scénario de cette partie plus que disputée. Avec un Racing bien décidé à prendre l’avantage, et des locaux portés par son public, et également décidé à défendre sa ligne. Narbonne, dominateur, n’allait finalement inscrire que trois points, quand pendant ce temps, l’USSS, réaliste en diable, en marquait six lors de ses incursions dans le camp audois. Roquebert et Doussain faisant apprécier tout à tour leur puissance pour le premier, et la qualité de son jeu au pied, pour le second.
16-13, les dix dernières minutes sont électriques, avec une tension palpable sur et en dehors du pré. Jusqu’à ce que l’arbitre siffle la fin de la rencontre. Quoique, une petite générale des familles clôturait la partie, soulignant certainement toute la frustration narbonnaise de s’être pris les pieds dans le tapis vert et rouge de l’USSS. On retiendra surtout (côté haut-garonnais évidemment) qu’un 3 mars 2019, Saint-Sulpice-sur-Lèze a battu Narbonne…
Deux clubs, aux trajectoires, aux destins (et aux budgets) opposés, auront croisé le fer en championnat de fédérale 1. 40 ans après que l’un, touchait le Brennus, et l’autre bataillait en Honneur Midi Pyrénées. Un signe de plus que notre rugby a considérablement évolué. Mais à l’heure des analyses et de l’après match, où la bonne ambiance et la convivialité régnaient solidement, on aimait à répéter que Saint-Sulpice-sur-Lèze, petit village d’irréductibles rugbymen, venait de gagner contre Narbonne. Une équipe du RCNM sans joueur professionnel certes, mais avec des jeunes désireux de redorer un blason orange et noir quelque peu fané, et que la fédérale 1 rappelle à l’ordre de par son exigence. On souhaite bien sincèrement à Narbonne bon vent, et à Saint-Sulpice de continuer à écrire son histoire, chaque année, avec quelques pages, plus belles que les autres. Comme dimanche dernier…
Stéphane Doussain, qui a connu tant d’émotions sur ce terrain et avec ce club, plaçait cette journée parmi les plus belles : « C’est d’abord une victoire qui nous fait du bien au moral et surtout au niveau comptable. Nous n’avions pas gagné depuis novembre ! Après cette victoire est symbolique. Tout le monde parle de Narbonne et son histoire, mais St Sulpice possède une histoire certes moins glorieuse, mais tout aussi riche en termes d’amitiés, de groupe. Nous en avons écrit une jolie page encore, et quand on se retrouvera, on sera contents d’évoquer cette belle journée. Pour ce qui est du match, on a vu un gros engagement de part et d’autre. Un peu plus de réalisme de notre part qui nous permet de garder 3 points d’avance. Un grand merci à notre public qui une fois de plus a répondu présent et aussi à tous les finalistes de 2012 qui étaient là. Merci bien sûr à nos dirigeants pour l’organisation d’un repas à plus 400 couverts. Un clin d’œil à notre Jacques Brunel, alias Damien Denechaud, car on a joué hier avec deux neuf, deux 10 et un centre à l’arrière (rires). On va se tourner vers Céret, en soignant les bobos. »
Autre joueur qui représente si bien l’esprit de l’USSS, Tony Bonaldo. Le troisième ligne livre ses impressions : « Une journée exceptionnelle pour le club, avec un public chaud bouillant tout au long du match, qui nous a poussé vers la victoire, car c’était un match âpre, qui heureusement pour nous, se finit sur une bonne note, et quelques marrons à la fin (rires).
On fait un bon match, on s’était promis de faire tomber un gros à la maison, c’est Narbonne, c’est bien. On recolle au six premiers, la qualif est encore jouable. »
Victor Labat, le co-entraîneur de USSS, y pense aussi dans un coin de sa tête et savourait lui aussi : « Cette victoire est avant tout précieuse comptablement oui, mais aussi pour l’investissement du club autour de ce match. C’était une partie très intense, face à une équipe venue avec des ambitions. Nous avons joué un match plein, abouti tactiquement. Ce soleil, ce public exemplaire, ces sourires et surtout cette belle 3ème, c’est beau ! Dimanche prochain, ce sera Céret, donc profitons, car mardi il y a du boulot. »
Il en faut bien un pour vous ramener les pieds sur terre. Mais nul doute que ce matin, ils planent encore un peu du côté de la Lèze…
Feuille de match
Composition de l’USSS : Roquebert – Gardey, Boyer, Doussain, Beille – (o) Latapie, (m) Dejean – Cabot, Fourthiès, Fabre – Webley, Saux – Roux, Meneghel (cap.), Caujolle.
Remplaçants : Viozelange, Akah, Du Preez, Salis, Bonaldo, Ferré, Pit, Brunet.
Composition du RCNM : Griffoul – Court, Bazin, Eadie, Caramel – (o) Defrance, (m) Aziza – Freytes, Gazin, N’Zi (cap.) – Taele, Bitz – Ferrier, Hollet, Baron.
Remplaçants : Acosta, Duprat, Beccaris, Marut, Tebaldini, Chastaing, François, Rochet
La federale 1 va progressivement prendre des airs de « nationale ». On y retrouve des clubs hier au plus haut. Le lissage va s’effectuer progressivement en periquation « budget/bassin ». Narbonne retrouvera comme auch ou d’autres un statut qui leur fera faire du yoyo entre le pro et l’amateur…. Ce dernier statut sera a terme promotionnel un peu comme le « national » en foot… Le temps au temps.