C’était la première journée de la saison 2024-2025 en Régionale 3 de la Ligue Occitanie. Dans la poule 2, Marseillan est allé s’imposer à Cabestany 6 à 7. Mais la victoire héraultaise en terre catalane n’est pas officiellement validée à cause d’une violente bagarre survenue après le coup de sifflet final de M. Faure. Il y a deux blessés, dont un grave, et surtout deux versions, opposées, dans leurs communiqués. Nous avons contacté les deux camps. Réactions et tentative d’explications dans un contexte forcément peu favorable…
Pascal Nou, tout d’abord, comment s’est déroulée la rencontre ?
Le match a été tendu, du début à la fin, la faute à des insultes de nos adversaires, qui semblent coutumiers du fait a priori, et que l’arbitre, plutôt jeune, a malheureusement toléré. Il a eu dû mal à s’imposer il me semble. Pourtant, il est habitué à diriger des rencontres de fédérale 3 m’a-t-il dit. Mais on ne peut pas lui jeter la pierre non plus, car il a endossé tout seul la pression de ce match : le délégué du match s’est désisté deux heures avant le coup d’envoi. C’est important de le préciser, car c’est notre trésorier qui l’a remplacé au pied levé. Vous imaginez bien à quel point ce n’est pas simple.
Que s’est-il passé ensuite ?
Au coup de sifflet final, les entraîneurs se sont croisés, mais ne se sont pas serrés la main. Il y a eu des mots. Un de nos joueurs, qui était à côté, a dit « allez, ça suffit », a enlevé son casque, et s’en est servi comme d’un éventail devant un coach de Marseillan, comme pour lui signifier « du vent ». Là, tout a basculé. Des joueurs de Marseillan sont tombés sur notre joueur, et un autre. Ils se sont fait massacrer.
« Ils se sont fait massacrer ! »
C’est vraiment ça, il se sont fait massacrer ! L’un d’eux à la mâchoire cassée, ses dents sont déchaussées, il se fait opérer ce lundi à l’hôpital. Sa saison est terminée, sans parler qu’il va avoir un arrêt de travail prolongé.
Quelles suites souhaitez-vous donner à ce match et cette bagarre ?
Nous avons déposé une réclamation auprès de la Fédération, avec l’appui des photos et des vidéos en notre possession. En plus des certificats médicaux, je vais aussi déposer une plainte auprès de la gendarmerie de Cabestany.
Marseillan a diffusé une réponse officielle suite à votre communiqué, indiquant notamment que ce sont leurs joueurs et leurs supporters qui ont été victimes de provocations répétées, que c’est votre joueur qui a agressé leur entraîneur, avec pour conséquence un envahissement du couloir d’entrée au terrain par vos supporters…
C’est totalement faux. Il n’y a pas eu d’envahissement de terrain. Il y avait tout au plus une centaine de spectateurs, et personne n’est venu sur la pelouse. C’est d’ailleurs une « chance » qu’il n’y ait pas eu 400 ou 500 supporters, car je pense que nous aurions vécu le même niveau de violence que lors du match entre Fleury et le Haut-Vernet de l’an dernier
Au-delà des responsabilités des uns ou des autres, quel est votre sentiment au lendemain de ces tristes évènements ?
C’est ma première année de présidence, je suis encore choqué de ce que j’ai vu. Pour moi, le rugby doit rester un sport convivial, un combat de 80 minutes, sur le terrain, dans les règles, et puis après on se serre la main, et on boit un coup. Ce qui s’est passé ce dimanche est inadmissible, j’attends et j’espère des sanctions exemplaires, que ces violences soient condamnées avec sévérité pour que l’on n’assiste plus à ça. Nous sommes en période électorale pour la présidence de la FFR, et pour la Ligue Occitanie, j’ai assisté à une réunion de Didier Codorniou qui prônait justement plus de fermeté et de sévérité.
La réponse de Jean-Alain Numérin, président du Marseillan Rugby Club
Jean-Alain Numérin, première question : comment s’est déroulée la rencontre ?
Notre club a trois ans, c’est un club vraiment famille, composé de jeunes et de moins jeunes, qui ont joué ensemble à Agde pour quelques uns d’entre eux. On sort de deux saisons compliquées, sans trop connaître le goût de la victoire, on a fait venir un super coach (Jean-Michel Millet, ex Nîmes et Agde).
On a l’habitude d’avoir des réceptions un peu chaudes en terre catalane, mais ça fait partie du folklore. Le match a été un peu tendu, l’équipe de Cabestany est jeune, mais n’hésitait pas à nous provoquer, nous chambrer. On leur a fait comprendre qu’on avait du répondant. Mais une fois la fin du match sifflée, pour nous c’était fini. On était vraiment heureux de gagner, tout simplement.
Et que s’est-il donc passé après ce coup de sifflet final ?
Les joueurs de Cabestany étaient remontés, vexés d’avoir perdu sûrement. L’un d’eux s’est avancé vers un de nos entraîneurs, il y avait eu des mots avant, ça a chambré, et là, il l’a frappé.
Ce n’est pas vraiment la version de Cabestany…
Et pourtant, c’est bien ce qu’il s’est passé. Je veux bien tout entendre, que nos gars ne sont pas toujours des enfants de chœur, mais ils restent dans les règles. Que je sache, on ne peut pas leur demander de jouer les mains dans les poches, et en plus, ne pas réagir à une agression de ce genre non ? Alors oui, deux joueurs de Cabestany ont « ramassé », mais c’est une conséquence de leurs actes. Après, c’est toujours la même chose, il y en a un qui provoque, qui fait le coq, et vu que c’est lui qui va au tapis, c’est lui la victime.
« Notre sport est magnifique, il véhicule de belles valeurs quoiqu’on en dise. Donc ça me désole… »
C’est tout de même triste ce genre d’histoire, et l’image que cela renvoie…
Bien sûr que c’est triste. A mon époque, il pouvait y avoir des chamailleries, des coups, mais ça s’arrêtait vite, et à la fin du match, on buvait un coup tous ensemble. Là, c’est différent, on provoque, on prend un coup, on porte plainte et en plus on se sert des réseaux sociaux pour pleurer. C’est aussi le rugby amateur d’aujourd’hui.
Quel est le sentiment qui domine au lendemain de ce match : la frustration, la colère, la déception…
Avec Jean-Baptiste mon fils, qui joue ouvreur dans l’équipe, on a une entreprise de maçonnerie, mais on s’investit presque autant dans le club. Ce n’est pas facile tous les jours, il faut trouver des ressources, des joueurs, s’occuper des équipements, des déplacements, etc… Notre sport est magnifique, il véhicule de belles valeurs quoiqu’on en dise. Donc ça me désole, car on va parler de coups, de plainte, de justice, et dire une fois de plus que le rugby du sud est violent, pratiqué par des voyous attardés. Ce n’est pas le cas. Que les autres clubs de notre poule le sachent bien en lisant votre article.
Vous conviendrez que les versions d’un côté et de l’autre sont tellement différentes, qu’il est difficile de s’y retrouver….
Je comprends. Mais là, c’est la cour de récrée à l’école : c’est pas moi, c’est lui… On avait 15 supporters en tout qui ont fait le déplacement, dont des épouses, des parents et des enfants. Eux avaient des jeunes, des cadets ou des juniors peut-être qui n’ont pas arrêté de chambrer, de crier des noms d’oiseaux. Il y avait des femmes de 60 ans dans le lot, qui nous ont insultés, des mères de famille. Oui il y a eu bagarre, mais rien à voir avec Fleury-Haut Vernet, loin de là ! On s’est défendus, comme une équipe familiale et solidaire, pas plus, pas moins. Et s’il faut se défendre en dehors du terrain, nous le ferons aussi.