Barrage ? Vous avez dit « barrage » ? Comme c’est « barrage »… Parce qu’on est quand même loin des montagnes pyrénéennes ou d’un escadron de gendarmerie pour parler de « barrage ». Ainsi va la terminologie administrative des instances dirigeantes pour ce qu’il conviendrait largement d’appeler ce tour un « 1/8ème de finale », ce qui fait, tout de suite, beaucoup plus sportif, non ? Ou un « play-off » ce qui fait tout de suite beaucoup plus moderne. Mais là, vous avez de quoi esquinter les bronches ou de quoi coller une conjonctivite aux puristes de la langue française, de ceux qui désignent un corner en football par un « coup de pied de coin ». Enfin bref, parmi ces « huitièmes de finale » du championnat de 3e Série, nous voulions assister à ce prometteur duel entre Finhan et l’Entente Sud Canigou, le club de la région de Prats-de-Mollo, en bordure des « Pyrénées Catalanes ». Sachant que les Catalans ont terminé 2e de leur poule 3 et Finhan 1er de la poule 6, cette rencontre portait déjà en elle les allures d’un très beau choc au sommet… (résumé et photos par Wildon)
La physionomie de la rencontre tourne très vite autour d’un principe d’attaque-défense. Face aux chevauchées flamboyantes catalanes, répond une défense ultra compacte des Tarn-et-Garonnais. La défense des uns, annihile l’attaque des autres et le jeu se neutralise au centre du terrain. On voit cependant très rapidement que les incursions catalanes ressemblent à des raids, qui creusent des sillons profonds dans les lignes finhanaises. Le score va se débloquer par l’entremise des « artilleurs » des deux bords. Si Mirailh rate la première mèche pour Finhan (10e), Ferrer, lui, est trop court dans sa tentative pour Sud-Canigou (15e). Et le duel à distance des buteurs se poursuit, puisque Ferrer trouve le premier la bonne hausse et expédie victorieusement la pénalité suivante (15e, 0-3)… à laquelle Mirailh réplique tout aussi bien juste après (18e, 3-3).
Mais l’on sent bien que Sud-Canigou peut faire la différence en s’appuyant sur la vitesse de ses lignes arrières. C’est exactement ce qu’il se passe lorsque Bonafous prend parfaitement l’intervalle et part dans une longue course. Il passe à Costa qui accélère pour mieux servir Moly qui file à l’essai, un essai que Ferrer bonifie (25e, 3-10). Dans la foulée, Finhan bénéficie d’une pénalité et l’arrière catalan Lopez d’un carton blanc. Mirailh n’est pas plus inspiré et sa frappe rate les barres (28e). Trois points de plus de ratés. Mais le buteur finhanais trouve enfin la bonne mire juste avant la mi-temps en passant une pénalité qui permet aux siens de réduire l’écart au score, et de continuer d’espérer à une qualification (40e, 6-10).
Finhan y a cru jusqu’au bout…
L’entame de la seconde période est cependant encore à l’avantage des Catalans. Ferrer rate une pénalité (42e) puis passe la suivante (48e, 6-13). Et Sud-Canigou de mettre une grosse pression sur Finhan avec une nouvelle occasion d’essai. Mais les Pyrénéens préfèrent conclure ce temps fort devant les barres de Finhan par un drop-goal parfaitement exécuté par Ferrer (58e, 6-16). Voilà les Catalans à l’abri d’un essai transformé. Le jeu n’en reste pas moins vif et alerte, plaisant à regarder. Le public donne de plus en plus de la voix pour montrer celle à suivre pour leurs équipes respectives.
Le match bascule alors lorsque le pack de Finhan parvient à pousser jusque sur la ligne d’essai des Catalans sur le reculoir. Et dans la mêlée des joueurs enchevêtrés les uns sur les autres, on peut alors voir Arnaud Fort s’extirper du maul. Et, à bout de bras, aplatir le cuir dans l’en-but adverse, sans que Mirailh ne passe la transformation (62e, 11-16). Et voilà que le destin balbutie, hésite à choisir son camp, un peu comme les rebonds ovales et hésitants d’un ballon de rugby. A gauche ou à droite ? Finhan ou Sud-Canigou ?
Cette incertitude se renforce un peu plus quand Ferrer manque les perches sur une nouvelle pénalité en faveur de son équipe (73e). Finhan fait jouer les muscles, les bras et les pectoraux, campant dans le camp de Sud-Canigou. Cinq points d’écart seulement et cinq minutes à jouer. Finhan ne peut pas jouer autre chose que la gagne par un essai transformé.
A trop vouloir bien faire, on commet parfois des erreurs, et le seconde-ligne de Finhan, Soriano, en fait les frais en récoltant un carton jaune dans les arrêts de jeu (80e +2). Un détail qui ne changera plus le cours de cette rencontre puisque Monsieur Huertas siffle dans la foulée la fin du match. Les Catalans peuvent alors laisser éclater leur joie dans le silence triste d’un stade de Finhan devenu tout morne, malgré un soleil de fin d’après-midi éclatant. Ainsi va la dramaturgie des qualifications par ces matches à élimination directe, des demi-finales en remontant aux barrages… pardon, aux huitièmes de finale.
Les réactions
Bertrand Molina, entraîneur de Finhan
Rugby Amateur : On imagine bien qu’après cette défaite, votre peine doit être immense ?
BM (les yeux rougis) : Bien entendu… C’est une immense déception… Maintenant on savait qu’on allait affronter une très bonne équipe, complète, avec un très bon 10 [Ferrer]. Cela s’est vérifié. On a vu un très bon match des deux côtés. Ils ont des gars d’expérience aux postes-clés qui font la différence au final
RA : On a quand même ressenti que vous étiez très forts en défense et qu’ils étaient très forts en attaque. Quand on voit le résultat, la meilleure défense n’est-elle pas l’attaque ?
BM : Tout à fait. On le voit très bien sur la première mi-temps où on est dominé. On est très bon en défense, on fait une faute, on prend un essai. Et contre ce genre d’équipe, cela ne pardonne pas, avec des joueurs qui ont l’expérience de ce genre de match je le répète, des gars qui ont connu la Fédérale. Ça ne pardonne pas. Ils méritent leur victoire, il n’y a rien à dire. Et je leur souhaite sincèrement d’aller le plus loin possible dans la compétition. Sincèrement.
Gilles Manya, entraîneur de Sud-Canigou
Rugby Amateur : Quel est votre premier sentiment à la fin de cette rencontre ?
GM : De la joie bien sûr et du soulagement aussi. Soulagement, parce qu’on réalise un match à l’image de la saison, avec des hauts et des bas, souvent contraint de jouer parce qu’on est au pied du mur, à devoir mettre les bouchées doubles pour avancer. Et puis il y a des moments où notre jeu est fluide, où on engrange les mètres, en étant vraiment bien.
RA : Pourtant, on ne vous a jamais senti en stress, malgré les temps fort de Finhan dans le dernier quart d’heure. Vous avez donné une image de sérénité. C’était seulement une impression ?
GM : Serein, oui, je pense que c’est dû à des gars qui ont atteint leur maturité sportive, qui savent où ils en sont. Ils ont pris eux-mêmes leur match en main, ils savaient ce qu’ils avaient à faire. Nous, les coaches, sur le banc, on savait aussi où on allait, et avec qui on partait au combat. Les vingt-deux bonhommes qui étaient là, ce dimanche, avaient toute notre confiance. Eux, comme nous, ne pouvions nous tromper. Dans la victoire comme dans la défaite, on était serein parce qu’on savait où on allait avec eux.
RA : Et vous espérez aller où avec eux maintenant ?
GM : On vient de se qualifier pour le prochain tour mais on espère se faire encore un maximum de voyages ensemble d’ici la fin de la saison… (sourire)
LA FEUILLE DE MATCH
A Finhan (Stade Max Amouroux) – US Finhan – Entente Sud Canigou 11-16 (Mi-temps : 6-10)
Pour Finhan : un essai de Fort (62) et deux pénalités de Mirailh (18, 40)
Pour Sud-Canigou : un essai de Moly (25), une transformation (25), un drop-goal (58) et deux pénalités de Ferrer (15, 48)
Arbitre : Mr Huertas
Finhan : Aldrovandi, Afonso, Lespinasse (cap), Soriano, Emboulas, Auge, Montaut, Roque, Labasse, Mirailh, Resplandy, Mailhol, Cavagne, Ginestet, Cros, Trémollières – Remplaçants : Albano, Guilhard, Torjeman, Fort, Pénavaire, Marty
Carton jaune : Soriano (80 +2)
Sud Canigou : Raveleau, Junca, Casas, Léger, Allione, Flores, Causadias, Quesnay, Roustany, Ferrer, Maire, Costa (cap), Moly, Bonnafous, Lopez – Remplaçants : Decauchy, Nicoletta, Torras, Calva, Rodriguez, Lassale, Salles
Carton blanc : Lopez (28)