La FFR communique depuis plusieurs semaines sur son plan d’action prévu envers les clubs amateurs. Cette semaine, il est question de (re)créer une véritable école française de rugby. La nouvelle politique fédérale a décidé d’aller dans chaque club pour faire passer un message et des principes homogènes et cohérents. La Direction Technique Nationale a été chargée de mettre en place ce gigantesque chantier, et aura à sa disposition des moyens considérables, à commencer par les fameux 200 cadres techniques promis par Bernard Laporte…
L’affront reçu face aux All Blacks en quart de finale d’une Coupe du Monde ratée, il y a un peu plus d’un an, a soulevé plusieurs débats de fond concernant le fonctionnement du rugby français, au premier rang desquels notre système de formation. En gagnant la confiance des clubs, le Président Bernard Laporte a placé cette question au cœur de sa réflexion et, l’année 2017 à peine commencée, les hommes chargés d’ouvrir ce grand chantier sont déjà en action.
« Afin de donner les moyens à notre formation d’exister au plus haut-niveau », souligne Philippe Rougé-Thomas, vice-président en charge de ce domaine, épaulé par Jean-Michel Arazo qui ajoute : « Tout commence à l’école de rugby. Le plus gros boulot doit même être fait à ce niveau. Notre mission consiste donc à aider les clubs à se structurer pour que tout le monde travaille dans le même sens afin de relancer la formation française. »
La politique fédérale orientera l’action de la Direction Sportive et du DTN, Didier Retière, lequel affiche des objectifs ambitieux : « Devenir champions du monde comme champions olympiques, à condition de se doter d’un fonctionnement ambitieux et de donner à tout le monde envie d’entrer dans notre démarche. »
Un constat : des lacune techniques
Au-delà du résultat de la dernière Coupe du Monde, cette lacune endémique de la formation de haut niveau se traduit « par la difficulté avérée de nos jeunes à s’affirmer suffisamment vite en Top 14 », avance Philippe Rougé-Thomas, sans oublier l’afflux de recrues étrangères dans toutes les divisions ou la difficulté à produire des joueurs de talent à certains postes.
Le constat n’est pas plus réjouissant à la base « puisque nos clubs ne se sentent pas assez impliqués dans le processus et souffrent de ce manque de partage », insiste Jean-Michel Arazo, inspirant cette réflexion à Didier Retière : « Nos clubs souhaitent être mieux accompagnés, à nous de mettre en oeuvre une politique susceptible de répondre à leur attente
Aller dans chaque club
Les deux élus du comité directeur ont déjà commencé leur tour de France, qui les conduira à visiter, écouter et dévoiler aux clubs le sens de l’engagement fédéral. « Nous sommes dans la concertation », souligne Philippe Rougé-Thomas. Quant au contenu de la formation, « on peut s’inspirer de ce qui a réussi chez ceux qui sont devenus champions du monde sans pour autant faire du copier-coller comme par le passé. Nous devons conserver notre spécificité et adapter ces recettes à la sauce française. »
Afin d’appliquer ce programme ambitieux, on se prépare à créer une véritable équipe technique nationale, soit une armada de référents appelés à porter la bonne parole sur tout le territoire et à tous les clubs, quel que soit leur niveau. Ces référents apporteront aux clubs la compétence technique recherchée, contribueront activement à la formation des éducateurs ou encore informeront quiconque sur les changements de règles… « Nous allons créer un maillage pour ne laisser aucun club au bord de la route », précise Jean-Michel Arazo.
« Dès les petites catégories, chacun saura quoi faire et proposer afin d’aller vers le haut niveau », précise Didier Retière, quand Philippe Rougé-Thomas insiste sur l’importance de pouvoir compter sur des éducateurs de qualité : « En capacité de permettre à un maximum de nos licenciés de s’éclater vraiment en jouant au rugby car c’est en venant sans stress à l’entraînement et en prenant du plaisir que chacun pourra progresser. »
Un bataillon de bénévoles que l’on espère mieux fidéliser, au regard du turnover souvent observé aujourd’hui. « Mais grâce à une formation continue facilitée par la présence de nos cadres techniques, ces éducateurs se sentiront moins seuls, mieux épaulés, ils y prendront plus de plaisir et s’accrocheront davantage à leur fonction en club », prédit Jean-Michel Arazo.
Les moyens : un bataillon de 200 cadres
Aucune politique ne peut faire mouche si les moyens ne sont pas en adéquation avec l’objectif (ambitieux) fixé. Ils seront donc débloqués afin de se doter d’une équipe de deux cents cadres techniques chargés d’accompagner le projet au plus près des clubs. Cette « équipe de France » sera composée de tous les cadres techniques actuellement en poste – « que tout le monde se rassure, nous intégrerons dans la structure tous ceux qui souhaitent travailler avec nous afin de décliner notre plan de formation », déclarent en chœur les deux élus fédéraux –, renforcés par le nombre de recrues nécessaires pour arriver à ce groupe de 200 intervenant mobiles et à l’écoute de tous les clubs, à commencer par les plus petits.
Le talent qui permettra aux Bleus de remporter la Coupe du Monde a d’ailleurs toutes les chances de commencer par un des petits clubs français et comme le souligne Philippe Rougé-Thomas : « Nous ne pouvons plus passer à côté d’un gamin. Il nous faut créer le cadre général qui permettra à chaque joueur d’être bien formé dès l’école de rugby, de progresser à son rythme avant de s’épanouir le moment venu. L’important consistant à pouvoir s’adapter à chaque joueur. »
Les prochains mois vont permettre de mettre en place les mesures concrètes nécessaires à l’activation de ce grand plan de formation 2.0.
Un duo de spécialistes
Demi d’ouverture du Stade Toulousain mais aussi de l’équipe de France (deux sélections), Philippe Rougé-Thomas (55 ans) fut aussi l’entraîneur adjoint de Guy Novès pendant une décennie, avant de passer à la tête de la formation du Stade. Un poste qui lui a permis de tisser des liens avec les petits clubs de la banlieue toulousaine, d’instaurer le parrainage d’une trentaine d’entre eux et de passer des accords innovants reposant « sur un contrat de confiance ». « Jamais nous ne leur prenons un joueur qu’il ne nous amène pas », rappelle-t-il ainsi.
Président de l’association Montpellier RC, Jean-Michel Arazo (51 ans) baigne lui aussi dans le rugby depuis qu’il est en culotte courte. Joueur de bon niveau – avec Montpellier en groupe B –, entraîneur Crabos puis responsable de l’école de rugby réputée de son club à compter de 2003, il est même président de l’association depuis 2009. « Avec Philippe, nous connaissons les problématiques de la formation et les solutions à apporter. Nous savons aussi ce que les clubs souhaitent, les petits aussi bien que les grands. Quant à la formation d’éducateurs, on l’organise sur notre territoire avec un certain succès auprès des clubs demandeurs. »
De quoi se forger des convictions fortes qu’ils entendent décliner au plus vite.